Les acteurs politiques, tout comme les chercheurs, s’accordent à souligner le rôle crucial du transport aérien dans le développement économique régional. Pour autant, toutes les régions ne sont pas attractives aux yeux des compagnies aériennes et l’action de l’Etat s’avère parfois nécessaire pour désenclaver ces régions. Mais les modalités sont nombreuses et leur efficacité peut varier fortement d’un pays à l’autre. Quelle politique aérienne mettre en place pour favoriser le développement régional ?
Avec l’organisation des « Assises du Transport aérien », l’année 2018 se devait d’être un tournant dans l’histoire du transport aérien français. Si le résultat final de cette consultation n’est pas encore connu, il est intéressant de noter que parmi les thèmes abordés se trouvait la problématique de la « performance [du transport aérien] au service des territoires ». En effet, si l’activité aérienne d’un pays est fortement impactée par son niveau de développement économique, la relation inverse est tout autant valable. Ainsi, la mise en place de lignes aériennes peut fortement contribuer au développement économique d’une région. A ce titre, l’ACI (Airport Council International) publiait dans une étude récente qu’une augmentation de 10% de la connectivité d’un aéroport (nombre de lignes, fréquences, etc.) pouvait générer une hausse de 0,5% du PIB local.
Bien conscients du rôle crucial que le transport aérien peut jouer dans le développement économique, de nombreux pays ont mis en place des politiques de soutien au transport aérien afin de favoriser le développement économique des régions périphériques. Pour autant, les outils mobilisés varient fortement d’un pays à l’autre et n’ont pas tous la même efficacité. Il est donc nécessaire de se demander : quelle politique aérienne mettre en place pour favoriser le développement économique régional ? C’est à cette question qu’une équipe de chercheurs (Xavier Fageda, Ancor Suarez-Aleman, Tomas Serebrisky et Reinaldo Fioravanti) cherche à répondre dans un article scientifique intitulé « Air connectivity in remote regions : A comprehensive review of existing transport policies worldwide », publié dans le Journal of Air Transport Management en 2018.
Aider le transport aérien pour compenser les défaillances du marché
Pour les grandes villes ou les régions centrales, la relation entre le transport aérien et le développement économique est celle d’un cercle vertueux. Une forte population et une importante activité économique favorisent les flux de marchandises et de passagers aériens, qui contribuent à leur tour à renforcer le développement économique de la région. Mais la situation est bien plus compliquée dans les régions périphériques. En effet, la taille réduite de la population ou le potentiel économique limité n’en font pas des marchés attractifs pour les compagnies aériennes, de sorte que ces régions se retrouvent de plus en plus isolées des flux de passagers et de marchandises, renforçant ainsi leur décrochage économique.
Mais de nombreux pays, dans leur logique de maintien de la cohésion territoriale, ont décidé de mettre en place différentes politiques de soutien au transport aérien pour casser ce cercle vicieux. Ces politiques ont pour point commun de faire intervenir l’Etat (ou un acteur extérieur public) pour s’assurer de l’existence d’une offre aérienne à destination de régions périphériques. Mais les modalités peuvent varier fortement d’un pays à l’autre, ainsi que les bénéfices et coûts associés. En mettant l’accent soit sur les lignes aériennes, soit sur les passagers ou encore sur les aéroports, ces différentes politiques de développement du transport aérien présentent des enjeux variés.
Les politiques de développement aérien fondées sur les lignes aériennes
Qu’il s’agisse des Etats-Unis ou de l’Europe, une part importante du soutien au transport aérien passe par la mise en place d’Obligations de Service Public (OSP) – l’équivalent américain étant les EAS (Essential Air Services) – sur des routes aériennes précises. Ces OSP sont en fait des contrats mis en place par l’Etat pour choisir une compagnie aérienne qui s’engagera pour plusieurs années sur un niveau de service, des fréquences et des prix pour une route donnée (qui est généralement non-rentable, en particulier en présence d’un concurrent). En contrepartie, la compagnie aérienne sélectionnée pourra recevoir une subvention de la part de l’Etat mais sera surtout protégée de l’arrivée d’un concurrent sur cette ligne. En d’autres termes, une OSP est une sorte de monopole temporaire garanti par l’Etat sur une route non-rentable, à condition que la compagnie aérienne respecte certains critères de qualité et de prix.
Pour autant, en dépit de leur efficacité, les OSP ne font pas totalement consensus et cela pour plusieurs raisons. Tout d’abord, le critère de la non-viabilité économique des lignes OSP reste discutable et des chercheurs soulignent que certaines routes sont classées volontairement comme OSP pour accorder un monopole à une compagnie aérienne alors que la route est rentable et devrait rester ouverte à la concurrence. La seconde critique concerne la qualité de service et plusieurs travaux ont mis en évidence la baisse de la qualité de la prestation tout au long du contrat, du fait de l’absence de véritable concurrence. Enfin, dans le cas où la ligne est subventionnée, se pose la question du coût élevé des OSP en particulier s’il existe des alternatives non-aériennes (train, bus, etc.).
Une solution alternative (et surtout moins coûteuse) est de changer d’approche en passent du niveau de la ligne au niveau du réseau aérien. A ce titre, l’Inde est un exemple intéressant par la mise en place d’un système de co-évolution des lignes aériennes. Les aéroports et les lignes aériennes sont classées dans 3 grandes catégories, des routes principales (cat. 1) jusqu’au routes périphériques (cat. 3). Pour s’assurer que les compagnies aériennes ne se concentrent pas uniquement sur les lignes les plus rentables, l’Etat leur impose de faire évoluer ensemble leurs différentes routes. Par exemple, si une compagnie augmente son nombre de vols sur une route principale, elle devra aussi augmenter ses vols (dans une proportion moindre) sur ses routes secondaires. Ce faisant, l’Etat s’assure que l’ensemble du réseau aérien est tiré vers le haut et limite ainsi la polarisation des flux aériens autour des grande villes, tout en évitant de puiser dans les caisses de l’Etat. Pour autant, cette pratique est très dirigiste et peut amener à des surcapacités sur des lignes qui, au final, n’en avaient pas besoin.
Les politiques de développement aérien fondées sur les passagers aériens
A défaut de jouer sur l’offre, un Etat peut aussi modifier la demande de transport aérien dans ces régions. L’enjeu est alors d’accroître artificiellement le pouvoir d’achat (aérien) des citoyens qui habitent dans les régions périphériques. Deux approches sont possibles : soit les habitants de ces régions bénéficient de vols à tarif réduit (avec un pourcentage de réduction), soit les habitants payent un tarif fixe (indépendamment de celui pratiqué par la compagnie aérienne pour les autres passagers du vol).
De nombreux pays à travers le monde ont recours à cette méthode (Espagne, Portugal, Equateur, etc.), en particulier lorsque la population du pays est fortement dispersée ou si le pays est composé de nombreuses îles. Cette méthode est particulièrement efficace en vue de maintenir la continuité territoriale d’un pays.
Pour autant, cette approche est problématique pour deux raisons principales. La première est celle de l’équité, à savoir que sur ces lignes, les passagers « non-résidents » se retrouvent généralement à payer des prix supérieurs à la normale pour pouvoir financer les billets « à bas prix » des résidents. Ce faisant, cette politique peut conduire à réduire la demande de la part des passagers non-locaux, enclavant encore un peu plus cette région. Pour éviter cette situation, l’Etat peut décider de subventionner le différentiel de coût du billet (et s’assurer ainsi que les passagers non-résidents ne soient pas pénalisés). Dans ce cas-là, la problématique est celle du coût financier pour l’Etat de cette politique. A titre d’exemple, le programme de subvention espagnol (pour les billets à tarif réduit) représente un budget supérieur à celui de la politique d’OSP de l’ensemble de l’Europe !
Les politiques de développement aérien fondées sur les aéroports
Une dernière approche consiste à mobiliser les aéroports et favoriser leur attractivité aux yeux des compagnies aériennes. Deux options sont alors envisageables. La première option consiste à mettre à disposition de l’aéroport un budget qui va lui permettre de proposer des conditions préférentielles (charges aéroportuaires plus faibles, partage de risques, campagnes publicitaires) à de nouvelles compagnies aériennes. Ces pratiques, que l’on retrouve aux Etats-Unis et en Europe, sont normalement fortement encadrées. Mais dans la pratique, on a pu observer des dérives de la part de certains aéroports secondaires fortement dépendants de compagnies aériennes à bas coûts. Il y a donc un risque de chantage de la part de la compagnie aérienne.
La deuxième option consiste pour l’Etat à financer directement une partie du budget des aéroports afin que ceux-ci puissent proposer des coûts plus attractifs aux compagnies aériennes. Ainsi, au Canada ou en Australie, une part importante des travaux de modernisation des aéroports régionaux est directement financée par l’Etat, afin de leur permettre de rester compétitifs aux yeux des compagnies aériennes. Mais encore une fois, le coût pour la collectivité de ces travaux demeure important.
Une véritable palette de politiques de développement aérien
Au-delà du très riche panorama proposé par cet article de recherche, il est intéressant de souligner qu’il n’existe pas de politique unique (et encore moins parfaite) pour le développement du transport aérien. Chacun des outils présentés a des avantages et des inconvénients et faire le pari de miser sur une seule politique serait très risqué.
Suivant que l’on accorde plus ou moins d’importance à la transparence de la politique, au budget alloué, aux distorsions en termes de concurrence ou aux incitations en termes de qualité, la politique à adopter ne sera pas la même. Pour autant, il est illusoire de croire que l’Etat n’a qu’un seul de ces objectifs en tête, et c’est bien la combinaison de l’ensemble de ces pratiques qui permettra de développer véritablement un transport aérien au service des territoires.
Pour plus de détails :
Tant que le développement se fait de manière légale, cela évitera à Ryanair de se faire saisir des avions à la demande de la DGAC suite à une plainte d’Air France 🙂
L’avion est reparti avec des PAX le soir même, je pense que O’Leary a juste beaucoup rigolé 😉
@ L’équioe de rédaction :
Pas tout à fait; L’avion a été saisi jeudi et Ryanair à du débourser 525 000 euros pour la levée des scellés qui a eu lieu vendredi.
Il a du rire, oui… mais jaune !
Bénéfice net de 1,450 milliard d’euros du 1er avril 2017 au 31 mars 2018. Donc il a déboursé environ 0.035% de son bénéfice annuel…
Sans compter que la somme devait déjà être provisionnée depuis +/- 10 ans (premier jugement). Sans oublié que placée correctement cette somme a générée environ 300 000 euros d’intérêt ! La « blague » lui a donc couté 225 000 euros soit 0.015% du bénéfice !
Il doit rire et je ferai sans doute de meme a sa place 😉
Mais je ne nie pas le fait que c’est une goute d’eau on est bien d’accord.
Vous me donnerez l’adresse de votre conseiller financier qui fait un miracle !
Etant moi même dans l’industrie bancaire, aucun placement hors bourse (donc sans garantie du capital) ne vous permet de gagner 300 000 euros sur 500 000 placés 10 ans auparavant.
Cela dit, ces 525 000 euros viennent en complément d’un remboursement d’environ la même somme qui avait déjà été effectué par Ryanair. On n’est donc pas loin du million, et puisque vous aimez les calculs alambiqués: soit 1/100 âme d’un Boeing 737 🙂
Cette fois ci MOL n’a pas fait le malin, convenez-en.
Avec 4% annuel ça passe tranquille…
Je pense sincèrement qu’il a déjà oublié l’aspect financier de cette blague. Par contre les emplois qui devaient être créés avec son arrivée a BDX risquent d’en pâtir si jamais il change d’avis…
Donnez moi votre placement à 4% garantis 🙂 Je signe de suite !!
Concernant les emplois, je ne m’en fais pas. Si MOL estime qu’il peut faire de l’argent à Bordeaux, il le fera.
C’est un opportuniste et il a bien raison puisqu’il est revenu à Marseille après être parti la queue entre les jambes.
Wait and see…
Ayant eu une « grosse somme » a placé a un moment j’ai opté pour un compte a terme à 2.8% et on etait loin des milliards de MOL 😉
Oui, MOL continuera a faire de l’argent et a payé une amende de temps en temps avec le sourire car il sera toujours gagnant au detriment des compagnies traditionnelles…
Merci aux low-cost d’occuper le boulevard laissé par AF en régions.
C’était il y a longtemps…
Les DAT et CAT ne rapportent plus ces pourcentages…
Et MOL avec le sourire quand il paye je veux une photo pour immortaliser ce moment ???
Voilà en tout cas ce qui ne fait pas rire MOL en ce moment :
https://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/transport-logistique/ryanair-easyjet-et-iag-veulent-un-moratoire-sur-les-regles-de-propriete-en-cas-de-hard-brexit-797651.html