24 novembre 2024

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Ryanair from inside

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Boeing 737 de Ryanair
Boeing 737 Ryanair © Ryanair

Janvier 2010 : Titulaire du CFS depuis 2009, je postule un peu partout, entre autres, sur internet chez Ryanair.

Environ une semaine plus tard, je reçois une convocation pour me rendre à un « assesment day » autrement dit une journée de sélections près de Londres Stansted. J’achète donc mes billets d’avion et réserve un hôtel.

Arrivée à l’école Ryanair, nous sommes nombreux a avoir été convoqués, de toutes nationalités, Nous attendons dans le hall d’être appellés un a un pour entrer dans une salle avec trois tables de « jurys ». Trois candidats passent leur entretien en même temps dans une même salle.

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Vient mon tour, le stress monte, mon interview dure environ 5 min, j’échange quelques mots en anglais concernant mon parcours rien de plus, « «on vous rappellera pour la réponse »

Je rentre en France.

Quelques jours plus tard, je reçois un mail me disant que je suis convoquée dans la même école pour suivre environ 6 semaines de formation (ceci comprend l’équivalent du CFS que j’avais déjà passé en France et la qualification avion B737-800).

La formation commencera 15 jours plus tard, il faut donc tout quitter au plus vite et faire mes valises pour partir m’installer a Londres,

Mélange de joie et de stress, l’Angleterre ne m’a jamais fait rêver, tout ce que j’ai entendu sur Ryanair m’inquiète mais tant pis je VEUX être PNC, il me faut une première expérience, je me lance. Je réserve mon hôtel pour un mois et demi (2000£ environ), je vais partager une chambre avec une fille rencontrée lors des sélections pour économiser.

Février 2010 : La formation commence.

Day 1 avant même de pouvoir commencer, il faut s’acquitter d’environ 800£ d’accompte sur le prix de la formation, je demande pourquoi, et si j’arrête avant la fin ? On me répond sèchement que si je veux participer à formation pour avoir une chance d’être PNC il faut payer un point c’est tout…

Je me fais une raison et paye la somme (merci papa maman, 2000+800£ d’un coup, c’est une somme quand on est étudiant et qu’on ne travaille que le week end!°)

Après avoir fait la queue pour payer, nous nous installons dans la salle de classe une instructrice polonaise en uniforme Ryanair assez antipathique nous détaille de la tête au pied en disant a celles et ceux qui n’ont pas la coiffure ou le vernis à ongles règlementaire que dès le lendemain ils devront se plier aux exigences de Ryanair en matière de « grooming ».

S’en suivent 6 semaines de galères avec aucun jour de repos, nous sommes a l’école tous les jours de 8h à 18h voire 19h si on ne réussit pas le test de connaissances du matin(chaque matin sur les cours de la veille). La formatrice nous détaille de la tête aux pieds chaque matin elle vérifie que notre « crew bag »(valise équipage) contient bien tous les items règlementaires (kit de couture, collant de rechange chemise de rechange etc etc, la liste est longue), si jamais quelque chose manque, il faut absolument se le procurer pour le lendemain sous peine de sanction. Lorsqu’on travaille de 8h a 19h, il est assez compliqué sans voiture dans un village excentré de trouver un magasin ouvert.

Au fil des semaines la pression est telle que certains ne se présentent plus le matin et abandonnent, aucune importance, Ryanair a pris 800£ par tête de toute façon !

Une semaine avant la fin de la formation, une femme de l’administration entre dans la salle et nous explique que nous avions postulé pour la base Londres mais qu’ils ont besoin de PNC pour leurs bases à Edimbourg et à Liverpool, chacun d’entre nous doit alors écrire l’une des deux villes sur un morceau de papier avec son nom et ils décideront ensuite « au hasard » de notre affectation ! Angoisse stress craquage, à la pause, le verdict tombe, finie l’idée de la colocation avec les copines de galère a Londres (ou plutôt Stansted à l’est de Londres), je dois partir à Liverpool dans une semaine. Je n’ai pas mon mot à dire de toute façon, la pression est telle que je craque et me mets a pleurer, aucun état d’âme de leur part, c’est ça ou rien. J’accepte donc la sentence.

Arrive la cérémonie de remise des ailes tant attendue qui signe la fin de la formation, après tellement d’efforts.

Seulement, quatre d’entre nous doivent partir 1h après le début de la soirée, pas le temps de décompresser car notre avion nous emmène vers notre base d’affectation, la formatrice nous dépose donc a l’aéroport direction Dublin, avec une escale de quelques heures puis un vol très tôt le matin pour rejoindre nos bases, pas de chance je suis la seule à partir pour Liverpool …

Arrivée à Dublin au milieu de la nuit, tempête de neige nous avons pris une chambre d’hôtel pour quatre (pour économiser puisqu’elle est évidemment à notre charge) pour pouvoir nous reposer quelques heures, avec toutes nos valises. Réveil au milieu de la nuit, il faut repartir pour prendre l’avion suivant. J’arrive a Liverpool, je dois rencontrer ma chef PNC. Après une telle « nuit » j’ai juste envie de poser mes grosses valises dans l’hôtel que j’ai réservé (et payé) et de sombrer dans un lit bien au chaud.

Mais non, il faut faire la « visite de base »… A l’aéroport,personne ne m’attend, je n’ai aucun contact à appeler,je me présente donc au comptoir vente de Ryanair. Le personnel très sympathique comprend mon état de fatigue – elles ont du en voir d’autres arriver avant moi – accepte gentiment de garder mes deux énormes valises pour la journée et d’appeller la « crew room » pour que quelqu’un vienne à ma rencontre en zone publique. Une PNC en airport stand by (réserve chaude) arrive et m’explique que je dois d’abord passer la « formation » pour obtenir le badge. Elle m’installe donc dans une toute petite salle devant un écran pendant 15/30 minutes. Ensuite, elle m’amène à l’extérieur de l’aéroport au bureau des badges, je dois acheter un badge temporaire environ 30 livres de mémoire – encore une dépense obligatoire – … Après m’être acquittée du droit de passage,je peux enfin accéder à la crew room, l’accueil est très froid ma future collègue me conduit dans le bureau de la chef PNC que je surnommerai plus tard la « Ice Queen », celle_ci me parle avec un si fort accent que je ne comprend qu’un mot sur 10. Bref entrevue rapide et je peux regagner mon hôtel 500 m plus loin  pieds avec mes valises .

Je commence à voler le lendemain à 5h du matin pour effectuer mes deux « supernumerary flights » (vols d’observation). Je suis épuisée de mes 6 semaines de formation sans aucun jour de repos, je suis épuisée de toute cette pression, je suis épuisée de cette nuit coupée avec si peu de sommeil.

Je fais mes deux vols, c’est le PNC 4 qui est censé me former et répondre à mes questions, en discutant il m’apprend qu’il n’est la que depuis une semaine, je me dis que je n’ai plus qu’a apprendre sur le tas… Après ces deux vols je suis enfin règlementaire et je commence mes vols.

Chez Ryanair le planning est fixe : 5 vols en lever-tot 2 jours OFF 5 vols d’après-midi 3 jours OFF.

L’ambiance est assez désagréable, les chefs de cabine peuvent décider de débarquer un PNC si sa tête ne leur revient pas, bref délation regards hautains, ségrégation entre « gens de Liverpool », autres anglais, et européens, je suis heureuse de voler mais l’ambiance est lourde à supporter.

Les passagers sont « low cost » à l’image de la compagnie, c’est le bus scolaire, entre les déguisements, les passagers alcoolisés et les enterrements de vie de jeune garçon/fille c’est rarement calme dans les avions.

Pour ce quiest du travail, au début de chaque vol il faut faire un inventaire de tous les produits en vente à bord, le moindre café doit être noté sur l’inventaire. Pour chaque destination il y a des cibles de ventes, il faut vendre un certain nombre de cartes à gratter ( stratch cards), et faire dépenser un certain nombre d’euros ou de livres à chaque passager (toutes les monnaies sont acceptées, les hôtesses se servent de leur calculatrice pour effectuer le taux de change).

A la fin de chaque vol, les équipages font la queue devant le bureau de la « Ice Queen ». Elle nous reçoit et débriefe très froidement le vol ou plutôt les ventes, si par malheur nous n’avons pas atteint les cibles de vente, elle nous demande pourquoi comment nous réprimande et nous somme de faire mieux la prochaine fois. La journée est enfin finie, nous rentrons épuisés, pour la plupart en transport car avoir une voiture avec les salaires Ryanair, c’est compliqué. Aucune compensation financière pour les frais d’essence ou de tickets de bus évidemment.

Le salaire est très variable, étant payés à la minute de vol, mon salaire le plus haut a été de 1275£ et le plus bas 467£, cela fait une sacré différence. Mon contrat de travail est signé avec « Crewlink » une sorte d’agence intérim, il s’agit d’un CDD éjectable de 3 ans.

Après une année difficile que j’ai voulu achever pour terminer de rembourser mes frais de formation (150£ x 10 mois soit 1500£), j’ai déposé ma démission et suis rentrée chez moi en France sans aucune nostalgie mais déterminée à trouver un emploi dans une « vraie » compagnie française.

En conclusion, cette expérience difficile m’a forgé le caractère et m’a fait voir le pire du métier mais elle m’a également ouvert des portes : un PNC qui a travaillé chez Ryanair est travailleur, vendeur et sérieux aux yeux des autres compagnies.

Aujourd’hui je suis chef de cabine dans une compagnie française dans laquelle je suis extrêmement heureuse et je ne regrette pas le fait d’avoir commencé au plus bas, comme je dis souvent, quand on commence si bas on ne peut qu’évoluer et obtenir mieux.

 

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4 thoughts on “Ryanair from inside

  1. EDIFIANT ! Mais tellement bien écrit. Cela mériterait presque d’en faire un roman. Je savais que Ryanair avait mauvaise réputation chez les PNT, mais j’ignorai que les PNC étaient aussi mal traités. Ce qui me choque le plus, ce sont les frais que l’on exige de tous ces jeunes gens. Les tests tous les matins ne me choquent pas, nous avions la même chose dans la marine; mais le fait que le rythme ne soit pas mieux étudié est véritablement scandaleux. Bravo à l’auteur de cet article. Christophe N

  2. C’est écrit avec une parfaite exactitude. J’ai vécu exactement la même histoire en Belgique, la seule différence étant que nous faisions 5/3/5 en permanence et que les salaires étaient plus hauts parce qu’on nous poussait à vendre comme des fous (10% de commission par PNC). La compétition était folle et la délation omniprésente. Il y avait des différences conséquentes de salaire entre nous mais parfois ce n’était pas justifié, ce qui engendrait des vols de nourriture au sein de l’avion (pas de défraiements ni repas, salaire débutant à 580€). Nous avions rapidement appris à calculer nos heures de vol pour éviter les abus mais cela ne changeait pas grand chose sur le salaire pour certains..

  3. Merci de ce partage intéressant.
    « un PNC qui a travaillé chez Ryanair est travailleur, vendeur et sérieux aux yeux des autres compagnies. » : en effet, vous devez être une pépite pour les autres compagnies !

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