Le nouveau patron suédois d’Easyjet ne va pas révolutionner la stratégie de la compagnie low cost, mais veut accélérer l’utilisation des outils numériques et poursuivre la croissance organique et externe.
Vous avez succédé à Carolyn McCall en décembre dernier. Quels sont vos projets et vos priorités pour easyJet ?Je n’ai pas l’intention de révolutionner une stratégie qui fonctionne. Elle repose sur deux piliers : la priorité donnée à la qualité de notre réseau et la nécessité d’être en position de force dans les principaux aéroports.
Quand vous l’êtes sur un grand aéroport, vous pouvez offrir plus de vols et donc plus de choix pour la clientèle. Combiné à une base de coûts inférieure à celles de nos concurrents, cela nous permet d’avoir une offre imbattable. Mais il y a un enjeu stratégique sur lequel nous allons accentuer nos efforts : le numérique et l’exploitation des données. Nous produisons des milliards de données. Comment les exploiter pour mieux cerner les besoins des passagers, générer des revenus supplémentaires et réduire nos coûts et comment accélérer cette transformation numérique ? Ce sera l’une de mes priorités à la tête d’Easyjet. L’une des premières illustrations en est l’accord annoncé mardi avec Airbus, qui va nous permettre de prédire et de prévenir les problèmes techniques avant qu’ils ne surviennent, en analysant en permanence les millions de données produites par nos avions.
Quelles retombées attendez-vous de l’analyse des données ?Nous avons déjà commencé à faire des tests avant de passer cet accord et pour vous donner une idée du progrès accompli, en 2010, nous avions en moyenne 10 problèmes techniques pour 1.000 vols. Aujourd’hui, nous sommes à 3 vols pour 1.000. Notre objectif à travers cet accord avec Airbus est d’atteindre le zéro problème technique. Nous voulons éliminer totalement les retards liés aux problèmes techniques. Il y a déjà bien d’autres causes de retard – la météo, les grèves du contrôle aérien… – nous pouvons nous dispenser de ceux-là. Mais il y a bien d’autres applications possibles de l’analyse des données. Nous testons actuellement un nouvel outil informatique qui permet d’optimiser le programme de vols, en anticipant les retards possibles. Tout cela contribuera à la fois à réduire les coûts, tout en améliorant le service rendu au passager.
Ces réductions de coûts suffiront-elles à compenser la hausse du prix du carburant et de vos dépenses de fonctionnement ?Paradoxalement, le fait que le prix du carburant reparte à la hausse nous est plutôt favorable, comparé à la plupart de nos concurrents. Nous nous sommes bien couverts à court et moyen termes et nous avons une flotte jeune et performante. Pour le reste, nous sommes confrontés comme les autres compagnies à l’augmentation des frais de personnel et d’aéroports. Mais si nous parvenons à réduire significativement les coûts liés aux retards et aux vols annulés, qui ont considérablement augmenté ces dernières années, nous pourrions réaliser d’énormes économies.
A un an de l’échéance, êtes-vous prêts pour le Brexit et quel en sera le coût pour easyJet ?Nous y sommes mieux préparés que la plupart des compagnies. La création d’easyJet Europe, avec un siège à Vienne et un certificat de transport aérien autrichien, nous garantit de pouvoir poursuivre nos opérations sur le continent européen, quoi qu’il arrive. D’ici à un an, la moitié de notre flotte, soit quelque 150 appareils, sera ainsi passée sous pavillon autrichien, tandis que l’autre moitié continuera à être exploitée par Easyjet UK, pour les vols au départ du Royaume-Uni. Le coût de cette réorganisation est presque insignifiant : de l’ordre de 10 millions d’euros pour la création d’Easyjet Europe. Mais je suis persuadé que le Royaume-Uni et l’Union européenne parviendront à un accord sur le transport aérien. Personne n’imagine que les liaisons aériennes entre le Royaume-Uni et l’Europe continentale puissent être interrompues.
Cela fait partie des possibilités. La consolidation du transport aérien va se poursuivre et nous avons les moyens financiers d’y participer. Nous saurons saisir les opportunités comme nous l’avons fait avec Air Berlin, à condition qu’elles soient cohérentes commercialement et stratégiquement, et naturellement rentable. C’était le cas pour Air Berlin puisque cela nous permet de devenir numéro 1 à Berlin Tegel et que nous devrions commencer à gagner de l’argent dès l’an prochain.
Alitalia correspond-elle à ces prérequis ?Oui, c’est pourquoi nous nous sommes engagés depuis octobre dans des discussions avec les administrateurs d’Alitalia. Ces discussions se poursuivent.
Discutez-vous avec Alitalia seul ou avec des partenaires, notamment pour les lignes long-courriers ?Je ne peux pas en dire plus. Nous avons signé un engagement de confidentialité. Mais il est clair que seule l’activité court et moyen-courrier nous intéresse…
Vous allez bientôt recevoir vos premiers Airbus A321. Envisagez-vous de les utiliser pour faire du transAtlantique, comme d’autres ?Non, l’objectif est d’utiliser ces appareils à plus forte capacité (235 sièges) sur les aéroports les plus encombrés, là où les créneaux horaires se font rares, comme Londres-Gatwick. Les A321 vont nous permettre de continuer à nous développer sur ces aéroports saturés, tout en améliorant le coût au siège et en réduisant l’empreinte carbone par passager.
N’êtes-vous pas tenté d’aller sur d’autres segments du marché low cost comme Volotea les lignes régionales secondaires ou Norwegian sur le long-courrier ?Nous nous sommes déjà diversifiés en nous ouvrant à la clientèle d’affaires. Aujourd’hui, nous avons 15 millions de voyageurs d’affaires sur nos lignes, avec une offre spécialement adaptée. Mais nous continuerons à concentrer nos efforts sur le segment de marché qui offre les meilleures perspectives de développement : les liaisons entre les grandes métropoles européennes, au départ des principaux aéroports. Cela n’empêche pas de nous intéresser à d’autres segments de marché, comme le trafic en correspondance avec les vols long-courriers. Mais nous avons encore un énorme potentiel de croissance sur ce marché principal et nous n’avons pas besoin d’aller chercher de la croissance ailleurs.
Avec l’aimable autorisation de Bruno Trévidic journaliste aux Echos
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