Alors qu’Emirates Airlines réceptionne son centième A380 et que Singapore Airlines, compagnie de lancement en 2007, dévoile la nouvelle cabine de ses super jumbo jets, l’avenir industriel du quadriréacteur européen n’a jamais été aussi incertain. Adoré par les passagers, l’A380 est un casse-tête pour beaucoup de compagnies aériennes.
L’A380 a été imaginé comme un très gros porteur de 800 passagers destiné à désengorger les aéroports thrombosés. Et Airbus continue de le présenter comme la solution à la saturation des grandes métropoles : « Avec une capacité de 60 pour cent supérieure à celle du 747-400, l’A380 permet le transport de davantage de passagers sans augmenter le nombre de vols. » Le problème de l’avionneur européen est que les compagnies aériennes ont flashé sur l’immense cabine de 550 m2 sur deux ponts et ont voulu en faire des palaces volants pour millionnaires, au détriment du transport de masse. Un exercice d’équilibristes pour les comptables des compagnies concernées…
Les suites de Singapore Airlines
Singapore Airlines, qui en octobre 2007, a été la première compagnie à mettre en service un A380, a entrepris la rénovation de ses cabines dans lesquelles, ne prendront place que 471 passagers au maximum. Le premier A380 équipé de la nouvelle cabine entrera en service en décembre 2017.
A l’image de Qatar Airways, Singapore Airlines a craqué pour les suites : six par avion, aménagées sur le pont supérieur. « Chaque Suite est équipée d’un lit parfaitement horizontal séparé du fauteuil en cuir inclinable et moelleux, permettant au passager de se détendre ou de s’allonger sans avoir besoin de convertir son siège en lit. Pour les couples voyageant ensemble, les lits dans les deux premières Suites de chaque allée peuvent être convertis en un lit double. Lorsqu’il n’est pas utilisé, le lit peut être rangé complètement, créant ainsi un espace encore plus personnel dans chaque Suite ». L’A380 est l’avion de tous les fantasmes…
Les 142 A380 d’Emirates Airlines
Emirates Airlines propose également des suites et même des douches, mais elle exploite aussi des A380 densifiés à 615 sièges sur son réseau moyen-courrier. En fait la compagnie qui vient de prendre livraison de son centième A380, a opté pour trois configurations de cabine différentes : 489 sièges en trois classes pour ses très-long-courriers, 517 sièges également en trois classes pour ses long-courriers et donc 615 sièges en deux classes pour ses moyen-courriers.
Avec ses 142 commandes en cours, et donc encore 42 unités à livrer, Emirates Airlines pèse très lourd dans le programme A380 qui ne totalise que 317 commandes. A un point tel, que lorsqu’elle décide de différer d’un an la réception de six avions neufs, Airbus se voit contraint de réduire ses cadences de production, avec toutes les conséquences économiques que cela entraîne pour les équipementiers et les sous-traitants. On notera au passage, que les autres clients ne se pressent pas pour réceptionner leurs A380 plus tôt que prévu.
A380 « Plus » mais pas « neo »
C’est un peu comme si Emirates avait lancé un avertissement à Airbus. Depuis des années, le transporteur arabe réclame une version remotorisée de l’A380 ; un A380neo. Après lui avoir répondu que ce n’était pas possible du fait des risques financiers et du manque d’intérêt des motoristes, le constructeur a dévoilé, en juin 2017, au salon du Bourget, l’A380Plus, assorti de la promesse que cette évolution du quadriréacteur offrirait une réduction du coût par siège de 13% par rapport à l’actuel A380. Airbus n’a pas convaincu, puisqu’à ce jour, il n’a pas réussi à décrocher sa première commande. Et même Qantas qui vient de lui confier le réaménagement de ses 12 A380 n’a retenu aucune des solutions proposées.
A380 vs 777X… et autres gros biréacteurs
En revanche, Boeing vient de vendre à Singapore Airlines 20 777-9, le biréacteur qui représente une vraie concurrence pour l’A380. Emirates en a 150 en commande. Avec seulement deux réacteurs, le 777-9 peut emporter de 400 à 425 passagers sur 7.600 NM, soit 14.000 km.
Au-delà d’un modèle spécifique, ce sont tous les biréacteurs gros-porteurs, de Boeing comme d’Airbus d’ailleurs ( à commencer par l’A350-1000), qui constituent une alternative au super jumbo jet européen. Les compagnies préfèrent multiplier les fréquences, plutôt que regrouper les passagers. Elles répondent en cela aux attentes de leurs clients à haute contribution qui prennent place en classes Affaires et en Première.
Course contre la montre pour Airbus
« Si les avions de plus petite capacité ne sont pas remplacés par des A380 sur un grand nombre de lignes, les aéroports n’auront d’autre choix que de construire davantage de portes d’embarquement, de postes de stationnement avion et finalement des pistes supplémentaires afin de pouvoir répondre à des fréquences toujours plus élevées. », prédit Airbus depuis le lancement du programme. Cela n’a pas l’air d’inquiéter les compagnies. Airbus prêche dans le désert.
Aujourd’hui, seul Londres-Heathrow donne raison au constructeur. En 2016, 10% des passagers au départ ou à destination de l’Aéroport de Londres-Heathrow ont voyagé à bord d’un A380 (par rapport à 8% en 2015 et 6% en 2014). Mais Airbus ne pourra pas attendre que les grands aéroports des mégapoles atteignent l’asphyxie les uns après les autres.
Seconde main
Il va lui être de plus en plus difficile de maintenir au ralenti une organisation industrielle dédiée, pour ne produire qu’un avion tous les deux mois, comme cela risque d’être le cas dans les prochaines années. Il faudrait un nouveau contrat pour entretenir la flamme. Mais il est bien difficile de dire d’où il pourrait venir, et encore moins quand.
Les premiers A380 vont commencer à être retirés du service et vont se retrouver sur le marché de l’occasion. L’accueil qu’ils vont recevoir pourrait avoir également des conséquences sur l’avenir du programme. Cette deuxième vie pourrait jouer sur la valeur de revente et ainsi renforcer l’intérêt du modèle. A priori, on pourrait s’acheminer vers des A380 de 800 places pour desservir des axes spécifiques à haute densité. Un marché de niche donc.
Le chouchou des passagers
Il n’est pas sûr que sur ce type de vols, les futurs passagers apprécient le confort de l’A380 et l’ambiance feutrée de sa cabine, comme c’est le cas actuellement. A ce jour, plus de 180 millions de passagers ont voyagé à bord d’un A380. Et selon Airbus, « 98% d’entre eux sont prêts à recommander à leurs amis et leur famille de voyager à bord de l’A380 ». D’ailleurs, le constructeur a créé un site internet qui permet au passager qui projette de se déplacer de choisir de voler en A380. Et ça marche. Ce n’est pas là, le moindre des paradoxes de l’A380.
Avec l’aimable autorisation d’Aerobuzz.fr
Je suis un inconditionnel de l’A380… Il n’y a pas photo: prendre un 777 bruyant ou un 380 je ne me pose même pas la question ..