« Je déteste l’idée de compétition juste s’est emporté le PDG de Ryanair au colloque risque pays de la Coface. C’est une idée nord-coréenne ou stalinienne »!
Dans le colloque feutré de la Coface, les saillies de Michael O’Leary ne passent pas inaperçues. Ce mardi 26 janvier, sont réunis à Paris au Carousel du Louvre, tout ce que compte l’Europe de pontes de l’assurance pour la journée de débat annuel de l’assureur-crédit sur les « Risques pays en 2016 ». Denis Kessler, PDG de Scor vient juste de terminer son allocution. Et le PDG de Ryanair n’a comme souvent pas fait dans la dentelle lors du premier débat portant sur l’avenir de la construction européenne. Un bon client, qui sort des « punchlines » à tous les coups.
« Je déteste l’idée de compétition juste s’est emporté le PDG de Ryanair, souvent épinglé par la justice pour ses entorses au droit du travail, notamment en France. C’est une idée nord-coréenne ou stalinienne. En France vous avez l’Euro de foot cette année. On se moque en réalité d’une compétition juste entre les équipes en football également. Nous voulons seulement des gagnants. Et pour cela nous avons besoin de perdants car nous avons besoin de la compétition afin de supprimer les castes ». La réaction ne s’est pas fait attendre. Applaudissements nourris de la salle, conquise.
Le débat était jusque là assez classique. Jacques de Larosière, gouverneur honoraire de la Banque de France, avait plaidé pour moins « de dépense publique car les marges des entreprises européennes sont plus faibles et moins propices à la croissance », appelant à moins d’unions internes à l’Europe telles que l’union monétaire pour se tourner vers les pays hors UE afin de devenir importateur de capitaux. Michala Marcussen, économiste en chef, Société Générale CIB, se lamentait à son tour à sa grande tristesse sur « l’impression que la vitesse politique n’est pas là. Elle arrive seulement lorsque l’on est proche de l’abysse ».
« Le populisme monte en Europe quand il entend des gens comme vous »
La réponse de la « vieille Europe », si chère à George Bush, venait de la voix de Daniel Cohen. « Le populisme monte en Europe quand il entend des gens comme vous Monsieur O’Leary. Les peuples se détournent d’un avion qu’ils ne veulent pas s’amusait l’économiste. La compétition juste, cela veut dire qu’un club de foot n’a pas le droit par exemple de ne pas payer d’impôts au Royaume-Uni alors que nous en France, les clubs en paient beaucoup. Si vous n’êtes pas pour une compétition juste alors les règles de jeu ne seront pas les mêmes. L’Union européenne se doit de trouver une règle médiane pour tout le monde, qui est certes compliquée à trouver ».
Et le débat de se poursuivre entre les deux hommes. Comme une allégorie de cette Europe à mi-chemin entre le monde du travail décomplexée à l’anglo-saxonne face au modèle continental plus protecteur. Dans le flou total sur son avenir.
« Vous ne pouvez pas imposer le fair-play s’offusquait le PDG de Ryanair. Même sur les taxes. Personne en Europe ne veut par exemple respecter le salaire minimum français. Mais les Français veulent pourtant l’imposer aux autres pays européens. Mais nous sommes pauvres en Irlande, comparé à la France. Il n’y aura pas d’avenir européen si nous devons accepter des principes nord-coréens. Et pourtant je voudrais toujours faire partie de l’Europe à l’avenir ».
La question récurrente d’une Europe fédérale
« Il est intéressant de voir deux personnes qui veulent plus d’intégration européenne discuter mais qui ne sont pas d’accord sur la vitesse afin d’y arriver. J’ai moi aussi, la vision d’une Europe fédérale » tentait Diogo Da Silveira, directeur général du papetier portugais Portucel Soporcel, dans une voie médiane afin d’apaiser les esprits.
La question du fédéralisme en Europe occupait le centre des discussions afin de réduire les populismes nationaux grâce à de meilleurs résultats de l’UE dans un cadre plus démocratique. « La compétition ne fonctionne pas sur l’impôt sur les sociétés expliquait Daniel Cohen. Cela simplifierait la vie des entreprises s’il y avait un seul niveau d’impôt sur les sociétés en Europe. Cela pourrait être la base d’un impôt fédéral européen. La compétition entre les Etats n’est pas toujours bonne. Elle l’est dans beaucoup de domaines comme dans le votre Monsieur O’Leary. Mais les règles dans les domaines systémiques doivent être les mêmes pour tous. On a créé une Union européenne qui devait être un espace de mobilité. Pourtant la Grèce gère aujourd’hui seule la frontière de l’UE avec le Moyen-Orient ».
La critique principale portait sur le peu de lisibilité du projet européen et surtout sa « peur d’aller vers du fédéralisme selon l’économiste. On est toujours dans une idée intermédiaire. Ce n’est pas l’Etat fédéral qui s’occupe des problèmes régionaux aux Etats-Unis par exemple. Tout n’est pas déterminé par l’Etat fédéral mais la répartition des compétences est bien plus claire. Le problème de l’UE est que nous sommes toujours dans une situation intermédiaire ».
« Le challenge est de remettre les gens au travail »
Bien loin du débat dogmatique, la priorité pour Michael O’Leary était de « remettre les gens au travail. C’est le challenge principal: 50% de jeunes sont au chômage en Grèce et Espagne et 30% en France. Il doit y avoir des compétitions sur les impôts en Europe. Chaque pays doit être libre de pouvoir faire ce qu’il veut. Chaque pays européen lève des taxes plus importantes sur les transports aériens chaque année alors que je pourrais donner du travail à beaucoup plus de gens. Il faut remettre les gens au travail avant de discuter de salaires minimums ». Et le PDG de Ryanair de glisser un exemple personnel. « J’ai eu mon premier job en travaillant dans un bar, je ne suis pas sur que je serais devenu PDG de Ryanair avec un salaire minimum ».
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