Avec d’infinies précautions, Duch Safety Board met en évidence, dans son rapport d’étape sur la destruction du 777 de Malaysia Airlines (vol MH17), la présence de nombreuses perforations à l’extérieur du fuselage. Selon les enquêteurs hollandais, l’éparpillement des débris indique que l’avion s’est désintégré en vol.
Publié avec un retard de plusieurs semaines, le rapport d’étape hollandais consacré à la catastrophe du 17 juillet du vol MH 17 de Malaysia Airlines se veut factuel, au point de laisser les experts sur leur faim. Il est vrai que ce n’est pas un accident « ordinaire », le Boeing 777-200 immatriculé 9M-MRD ayant été abattu en plein vol au-dessus de l’Ukraine. Désormais, le doute n’est plus permis mais la lumière n’est pas entièrement faite pour autant.
L’enquête a été confiée à l’Onderzoeksraad voor Veilingheid, Duch Safety Board en anglais, dont le siège est établi à La Haye. Elle s’avère délicate dans la mesure où l’avion a disparu des écrans radar au-dessus de l’Ukraine, où sévissaient à ce moment de violents combats. De ce fait, toutes considérations techniques mises à part, les mots doivent être choisis avec le plus grand soin pour éviter des répercussions politiques. Le président de la commission d’enquête, Tijbbe Joustra, l’a bien compris et s’est efforcé, avec ses collègues, de trouver un bon compromis entre langue de bois et simple prudence.
Le rapport d’étape, 34 pages, se veut factuel, ce qui est évidemment normal, et dit l’essentiel en une phrase, et une seule : la catastrophe est due à une cause extérieure, le fuselage du long-courrier ayant subi de multiples perforations dues à des objets à grande énergie venant de l’extérieur. Cela sans utiliser le mot missile, ce qui conduirait les enquêteurs au-delà d’une limite que, visiblement, ils ne veulent pas encore franchir. Et on imagine facilement l’embarras de cette équipe très internationale d’experts composée non seulement de Hollandais (193 des passagers, sur 283, étaient originaires des Pays-Bas) mais aussi de spécialistes venus de Malaisie, d’Ukraine, de la Fédération russe, du Royaume-Uni, des Etats-Unis, d’Italie, d’Allemagne et de représentants de l’EASA, l’Agence européenne pour la sécurité aérienne.
Le Dutch Safety Board confirme que le 777 était parfaitement en bon état de vol, note qu’il avait subi un dernier « check » quelques jours plus tôt, que les pilotes n’ont pas exprimé la moindre restriction sur le bon déroulement du vol, ce que confirme le CVR, retrouvé en bon état et parfaitement utilisable, tout comme le DFDR. Les nombreuses perforations et l’éparpillement des débris indiquent clairement que l’avion s’est désintégré en vol. Les quatre pilotes constituant l’équipage renforcé de ce vol très long étaient parfaitement qualifiés et expérimentés.
Tijbbe Joustra annonce un rapport final dans plusieurs mois. A défaut d’autres commentaires, une extrême prudence étant de mise, on imagine mal ce qu’il pourrait nous apprendre de plus. Pas même, sans doute, le type de missile impliqué qui permettrait de remonter la piste des responsabilités. En revanche, il est précisé que deux autres enquêtes parallèles sont en cours, l’une sur la gestion des couloirs aériens ukrainiens au moment des faits, l’autre sur l’absence de listes complètes des passagers.
Il a été beaucoup question, depuis le mois de juillet, d’un éventuel manque de précautions en marge du survol de régions en guerre. A ce propos, le rapport hollandais rappelle que l’accès à l’espace aérien, dans la zone concernée, était limité par notam en-dessous du niveau FL 320, une restriction dont il était précisé qu’elle resterait d’application jusqu’au 28 juillet (et certainement susceptible d’être prolongée).
Tout est difficile dans cette enquête. A commencer par l’accès au site de l’accident en raison de la proximité de combats et le second plan politique. Malaysian Airlines subit toujours les dommages collatéraux de ce macabre tourbillon mais gère cette crise sans précédent avec courage et dignité. Y compris dans son comportement avec les familles des victimes. Mais ce n’est évidemment pas la fin de l’histoire.
Pierre Sparaco
Avec l’aimable autorisation d’AeroBuzz.fr