29 novembre 2024
Malaysia Airlines B777

Boeing 777 Malaysia Airlines © Domaine Public

MH370, l’hypoxie selon Christian Roger

Le 26 juin 2014, l’ATSB (Australian Transport Safety Bureau) a publié un rapport de 60 pages qui fait le point sur la disparition de vol MH 370. Ce rapport est consacré pour l’essentiel à la définition des zones de recherches et expose les procédures qui ont conduit à concentrer les recherches au large de l’Australie.

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Boeing 777 Malaysia Airlines © Domaine Public
Boeing 777 Malaysia Airlines © Domaine Public

Le 26 juin 2014, l’ATSB (Australian Transport Safety Bureau) a publié un rapport de 60 pages qui fait le point sur la disparition de vol MH 370. Ce rapport est consacré pour l’essentiel à la définition des zones de recherches et expose les procédures qui ont conduit à concentrer les recherches au large de l’Australie. Mais ce rapport est aussi novateur, en formulant une hypothèse sur les raisons qui ont amené un avion à voler durant 7 heures après sa disparition du contrôle radar aérien, pour se perdre quelque part dans le sud de l’Océan Indien !

Le déroulement du vol

L’avion avait décollé de Kuala Lumpur à 16h41 et le contact du radar de circulation aérienne secondaire (qui suit les avions à l’aide de leurs transpondeurs) a été perdu à 17h22. Selon l’ATSB, l’avion a pu être suivi ensuite par un radar militaire, qui a perdu le contact à 18h22. Il s’agit d’un radar primaire, qui donne un plot sur le scope radar, sans identification de l’avion.
Ensuite, les seuls éléments qui permettent d’estimer la position de l’avion sont les transmissions d’un signal « ping » émis par l’avion toutes les heures vers le satellite Inmarsat IOR et retransmises vers une station sol d’écoute située à Perth en Australie. Ces « pings » ont permis aux enquêteurs d’affirmer que l’avion se trouvait sur un arc de grand cercle allant vers le sud de l’Océan Indien.
Ces « pings » émis par l’avion prennent fin à 00h19 et peu après cet instant se produit l’extinction des réacteurs par manque de carburant, 6heures et 57minutes après le dernier contact radar avec le contrôle aérien de Kuala Lumpur.
Le rapport ATSB décrit en page 33 cette fin du vol : Un premier réacteur s’éteint et le courant 115 volts alternatif fourni par son alternateur disparait. L’avion s’engage dans une spirale en descente du fait de cette dissymétrie de poussée. Quelques instants plus tard se produit l’extinction de l’autre réacteur, qui perd aussi son alternateur. Le pilote automatique se déconnecte et l’avion part en perte de contrôle et se plante dans la mer.

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Hypothèse d’une hypoxie de tout l’équipage et des passagers.

Ceux qui veulent connaitre les méthodes de recherches qui ont été effectuées peuvent se reporter au rapport ATSB, qui donne beaucoup d’informations.
Je m’intéresse plus pour ma part à la fin du vol, telle que suggérée par les enquêteurs et à leur hypothèse sur les raisons qui ont amené le MH 370 à aller se crasher dans un endroit tout à fait surprenant.
L’analyse des auteurs du rapport est la suivante (pages 34 et 35 du rapport) :
Les données étables par les transmissions de l’avion vers les satellites montrent qu’il n’y a eu probablement que peu de changements dans la route suivie après approximativement 19h15, donc environ 5 heures avant la fin des émissions vers les satellites.
Une hypoxie de l’équipage apparait comme la meilleure hypothèse endant que le MH 370 volait vers une direction vers le Sud. NDLR, rappelons que l’hypoxie signifie la perte de conscience du fait de manque d’oxygène. Plaident pour cette hypothèse :
• Perte des communications
• Longue période sans changement de route de l’avion
• Maintien d’une altitude de croisière
• Panne de pétrole et descente
Cela suggère que le MH 370 volait sous pilote automatique, jusqu’à ce que le manque de pétrole entraine une perte de contrôle et l’impact de l’avion sur la mer.
Le rapport précise que cette suggestion d’une hypoxie est faite dans le seul but de définir une zone de recherche.

L’hypoxie des pilotes résulte d’une explosion due aux batteries Lithium Ion

Si la pressurisation a été perdue, ce peut être le fait :

a) D’un défaut de fonctionnement de cette fonction.

Ce fut le cas pour le vol Hélios 522 en aout 2005. Sur ce B 737, lors d’une maintenance au sol, une manette de pressurisation avait été laissée sur « Manuel » au lieu d’être placée sur « Automatique ». L’avion n’avait donc pas été pressurisé et les alarmes n’avaient pas permis à l’équipage de déterminer qu’ils n’avaient plus de pressurisation. Une hypoxie lente les avaient saisis et ils avaient perdu conscience. L’avion avait volé 2 heures, escorté par deux chasseurs, jusqu’à ce que les moteurs s’éteignent et qu’il se crashe.
Dans le cas du MH 370, cette hypothèse est peu probable, car elle n’expliquerait pas la coupure du Transpondeur et celle des communications automatiques ACARS, qui ne sont évidemment pas affectés par une perte de pressurisation.

b) D’une perte de pressurisation brutale résultant d’une explosion

Cette hypothèse rejoint celle du rapport Australien d’une hypoxie des pilotes : la perte de pressurisation brutale est provoquée par une explosion des batteries au Lithium Ion, qui ouvre une brèche dans la carlingue et provoque la mise hors service de certains équipements de transmission, soit du fait de l’explosion, soit du fait d’un incendie.
Je penche toujours pour l’hypothèse d’un incendie, car même en cas de perte brutale de pressurisation, les pilotes auraient eu selon moi le temps de saisir leurs masques à oxygène, dont la mise en place prend 3 secondes et ils n’auraient pas perdu conscience.
Mais si l’explosion s’est accompagnée d’un d’incendie, les masques pilotes ne sont pas étanches aux fumées toxiques et la perte de conscience peut être rapide. Avant de sombrer dans l’inconscient, l’un des pilotes fait un virage pour tenter de revenir vers Kuala Lumpur. Pour ce faire, il déconnecte la conduite du vol automatique qui guide l’avion sur la suite de « Way Points » qui programmait le vol jusqu’à Pékin. Il passe sur le mode « Heading » (maintien d’un cap constant), affiche un cap de retour approximatif vers Kuala Lumpur, ainsi que la fonction « Altitude Hold », qui maintient le niveau de croisière de 35.000 pieds. Il sombre ensuite dans l’inconscience et l’avion continue sa route sur le cap sélectionné. On retrouve là la jonction avec l’hypothèse émise par l’ATSB Australien d’une hypoxie de l’équipage. Sous l’effet du trou dans la carlingue, les masques à oxygène des passagers tombent, mais ils ne fournissent de l’O² que pour une quinzaine de minutes. Comme l’avion est à 11.000m, la survie des passagers n’est que de quelques minutes.

Le rapport de l’ATSB ne va pas jusqu’au bout de la logique de perte de pressurisation

J’attire votre attention sur une anomalie de trajectoire qui n’a pas été signalée par le rapport ATSB :
Dans sa page 3, le rapport ATSB affiche la carte suivante qui donne la trajectoire de l’avion au début du vol.

radar mh370

La trajectoire depuis le décollage jusqu’à « Last secondary radar data 1722 » est de source sure. Mais celle du radar militaire primaire depuis ce point à 17h22 jusqu’à celle à 18h22 me semble tout à fait improbable, pour la raison suivante.
Cette trajectoire résulte de l’enregistrement d’un radar militaire en plot primaire, c’est-à-dire sans authentification certaine de l’avion qui lui correspond. J’ai déjà écrit que cette trajectoire avec ce virage au milieu me semble tout à fait contestable. Le rapport préliminaire du bureau d’enquêtes Malaysien en a d’ailleurs convenu en écrivant avec prudence que « cette trajectoire était une possibilité ». Je pense que cette trajectoire est celle d’un autre avion que le MH 370.
Dans l’hypothèse d’une explosion au point correspondant à 17h22, entrainant la perte de certains moyens de communication (transpondeurs et ACARS), perte de pressurisation et une asphyxie rapide des pilotes par les fumées, il y a lieu de supposer que les pilotes ont eu peu de temps pour réagir, en prenant un cap cohérent avec une intention de revenir le plus vite possible sur Kuala Lumpur. Vous voyez que cela leur faisait reprendre pratiquement la route inverse de leur route initiale et c’est probablement celle qui a été suivie ensuite dans l’errance sur l’Océan Indien jusqu’au crash final. C’est le scénario que je pense le plus vraisemblable.
Si on admettait la trajectoire du radar militaire entre 17h22 et 18h22, cela impliquerait que les pilotes étaient conscients durant cette période. Dans ce cas, pourquoi aucune transmission radio. On pourrait supposer que ces radios aient été endommagées par l’explosion, comme les transpondeurs ou l’ACARS. Mais cette trajectoire n’a aucune cohérence sur le but poursuivi, avec son virage de 45° au milieu, suivi d’un autre virage à 18h22 pour prendre un cap vers le Sud jusqu’au crash.

Conclusion provisoire, en attendant d’autres éléments

Une explosion des batteries au Lithium se produit à 17h22, entrainant un incendie avec fumées toxiques qui vont entrainer une perte de conscience rapide des pilotes. Avant de sombrer, ils envisagent un retour sur Kuala Lumpur et en prennent le cap, puis ils s’évanouissent. L’avion continue au cap affiché jusqu’à l’extinction des moteurs par manque de carburant 7 heures plus tard.

Article de Christian Roger
  • Commandant de Bord Boeing 747 Air France ER
  • Ex Leader de la Patrouille de France
  • Expert de l’accident de Sharm El Sheikh (2004)
  • Ancien Président du Bureau Air France du SNPL, Syndicat National de Pilotes de Ligne – 1986 / 1990
Son blog: http://www.jumboroger.fr/
 
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10 thoughts on “MH370, l’hypoxie selon Christian Roger

  1. Je lis toujours avec grand intérêt les articles de Christian Roger qui amènent des éléments très pertinents. Toutefois je pense qu’il est trop tôt pour tenter de conclure sur ce qui est arrivé au MH370. Surtout en éliminant du puzzle les éléments factuels qui ne collent pas avec les conclusions. Pour ma part je continue de penser qu’il existe un autre scénario possible, celui du premier cas dans l’histoire de l’aviation d’une tentative de détournement COMBINEE à un accident (incendie ou explosion). Seule cette hypothèse permet d’expliquer l’ensemble des informations recueillies, y compris la très mystérieuse déconnexion simultanée à la fois du transpondeur et des émissions de messages ACARS et l’étrange trajectoire captée par le radar primaire qui ne correspond à aucun autre vol identifié dans le secteur. Le scénario est le suivant : des pirates (équipage ou tiers ?) prennent le contrôle de l’avion, cherchent à le rendre indétectable en coupant tout les systèmes de transmission, programment dans le FMC les premiers segments d’une nouvelle route destinée à échapper le mieux possible aux contrôles radar et effectuent une montée abrupte pour provoquer VOLONTAIREMENT une hypoxie des passagers. L’équipage utilise alors ses masques à oxygène. Mais cette manoeuvre provoque un problème avec les batteries aux lithium embarquées dans la soute. S’en suit un incendie (ou une explosion) qui provoque à son tour l’hypoxie (ACCIDENTELLE cette fois) des pirates qui mettent cap au sud dans une tentative désespérer de revenir près des côtes. Et l’on retrouve à ce stade le scénario évoqué dans cet article qui, concernant les dernières heures du vol, me semble effectivement le plus probable.

  2. Hypothèse provisoire serait mieux approprié que « conclusion » provisoire, le mot réduisant l’espace d’une autre hypothëse appuyée par de nouveaux éléments s’il en venait.
    Un autre article de votre revue annonçait un mois après la disparition la localisation de l’épave …
    Soyons prudent (même si je n’ai pas tous les titres du signataire).

  3. ce scénario d’une hypoxie avec perte de connaissance du PNC et des passagers est vraisemblable
    mais n’avait-on pas parlé d’une ascension rapide vers le FL 430 juste après la perte des moyens de communication? si cela est avéré, comment l’expliquer ?

  4. Bonsoir Monsieur Roger.

    J’ai lu avec la plus grande attention votre article (très intéressant) et une question n’a jamais été abordée depuis le début de l’enquête (ou alors je ne l’ai pas vue): l’aéroport de déroutement. Et j’aimerais savoir pourquoi on ne l’a jamais abordée. Naïf que je suis!
    Personne ne mentionne un HDG qui correspondrait à une route en direction de tel ou tel aéroport. Sur un vol Kuala Lumpur / Pékin, comme sur n’importe quel vol, le plan de vol déposé doit en mentionner un? Lequel était-ce?
    Avec une réserve en oxygène d’environ 13-15min, il est possible de descendre de 35.000ft à une altitude moins hostile pour l’équipage et les passagers? Ça fait un taux moyen de descente d’environ 35.000/14min=2500ft/min. Est-ce trop pour un 772-ER?
    Dans ce cas, peut-on prévoir un atterrissage d’urgence sur les aéroports proches de la trajectoire? Hat Yai, Trang, Alor Setar, Narathiwat, Pengkalan Chepa…
    (L’AF447 était à un niveau de vol FL350 et a frappé l’eau en 4min22sec.)
    La question que je me pose est donc, pourquoi cette piste n’a jamais été citée?

    Mais si j’enfonce des portes ouvertes, ou si je dis une énorme bêtise, ce qui, à mon avis est le cas, je vous prie de bien vouloir excuser mon commentaire 😉 et encore merci pour votre article.

    Edward Hipt.

  5. Bonjour,
    Enfin une hypothèse censée, argumentée et faite par un spécialiste. Il y a d’autre cas de dépressurisation où l’avion a volé en pilote auto jusqu’au crash par manque de carburant (learjet de Payne Steward, célèbre golfeur, en 1999 si mes souvenirs sont bon), en plus du boeing d’hélios.
    Espérons que l’on retrouve un jour l’appareil même si l’espoir est infime.
    Merci pour votre travail
    Christian Bengler, médecin passionné d’aéronautique.

  6. Tout est dit par Stef. Le Swissair 111 avait flambé en moins de 20 minutes avant de frapper les côtes canadiennes en 1998. D’accord pour la théorie de la dépressurisation et ce qui en découle mais pas elle n’a pas été causée par un incendie des batteries au lythium.

  7. La cause de cette hypoxie ne pourrait-elle pas être une dépressurisation lente consécutive à une fissure dans le fuselage de l’avion ? Deux autres événements sur le même type d’appareil étayent cette hypothèse :
    1. Une fissure de 40 cm a été détectée en septembre 2013 sur un Boeing 777 d’une compagnie américaine.
    2. Tant qu’il n’a pas été prouvé que le vol MH17 d’Ukraine a été abattu, la catastrophe reste compatible avec une dépressurisation explosive pouvant résulter d’une fissure dans le fuselage comme sur le Comet des années 50.

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