Boeing 747 Singapore Airlines

Air France et Singapore Airlines

La compagnie asiatique investit massivement pour assurer le confort de ses passagers premium. Un effort qui lui vaut de nombreuses récompenses internationales… et l’admiration d’Alexandre de Juniac.

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Boeing 747 Singapore Airlines
Boeing 747 Singapore Airlines

La compagnie asiatique investit massivement pour assurer le confort de ses passagers premium. Un effort qui lui vaut de nombreuses récompenses internationales… et l’admiration d’Alexandre de Juniac.

C’est son obsession : « Faire mieux que Singapore Airlines en 2016 ». Alexandre de Juniac l’a promis à ses troupes en prenant la direction d’Air France il y a deux ans. Client fidèle de cette compagnie du sud de la péninsule malaise, qu’il empruntait régulièrement quand il dirigeait la branche Asie-Afrique du groupe Thales, il a gardé un souvenir impérissable des serviettes chaudes offertes à deux reprises, avant le décollage et dès le réveil, et des petits pains tièdes parfaitement croustillants. « C’est un comble que l’on ne puisse pas en faire autant chez nous! » grommelait-il récemment lors d’un vol vers Kuala Lumpur.

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Mais ce fin gourmet sait-il que la compagnie possède une machine spéciale permettant de tester leur texture? Car rien n’est laissé au hasard : sous la pression d’une clientèle asiatique particulièrement exigeante, Singapore Airlines (SIA) s’est très tôt forgé une réputation d’excellence, récoltant un millier de gratifications internationales en une décennie.

Un renouvellement accéléré de la flotte

Grâce à une marge nette de 2,5% en 2013, Singapore Airlines a davantage les moyens de chouchouter la clientèle premium qu’Air France, dans le rouge. Ce segment représente généralement 40% des recettes pour seulement 20% des passagers sur les long-courriers. « Et compte tenu du niveau de plus en plus concurrentiel du marché, il est vital de faire la différence sur le confort et le service à bord », rappelle le consultant Olivier Fainsilber du cabinet Oliver Wyman.

Le renouvellement des cabines s’est, du coup, sérieusement accéléré ces dernières années, notamment avec l’arrivée des superjumbos comme l’A380. « La norme est de changer nos sièges en moyenne tous les quatre à cinq ans », expliquait début juillet Mak Swee Wah, le vice-président de SIA, en présentant les nouveaux modèles installés sur les Boeing 777-300 à partir de septembre.

La compagnie a investi 150 millions de dollars pour équiper une dizaine d’appareils. Sachant qu’un fauteuil en business vaut près de 50.000 dollars et plus du double pour la first. Le prix d’une belle voiture. Mais c’est vital lorsque son marché domestique se réduit à une cité-Etat de 5 millions d’habitants, sans monopole sur les destinations. En 2006, SIA avait déjà investi quelque 300 millions de dollars pour équiper ses premiers A380 et une dizaine de B777.

Cette fois, les Asiatiques ont fait appel aux experts de BMW qui ont conçu pour la première un siège en forme de mini-alcôve, ultralarge et confortable (89 centimètres de large sur 208 de long). Le must? Les deux classes sont configurées de la même façon, avec seulement quatre sièges par rangée (1-2-1). « C’est 15% de capacité en moins pour la recette de l’avion à l’avant, mais c’est désormais la norme », reconnaît Bruno Matheu, directeur général en charge du long-courrier à Air France, laissant entendre que la compagnie suivra l’exemple.

Un modèle pour Air France

Obligée de se remettre à niveau alors qu’elle a sérieusement dégringolé dans les enquêtes de satisfaction, Air France investit d’ores et déjà 500 millions d’euros dans Best, le programme destiné à redorer les cabines à bord d’une quarantaine de B777 en 2014. Viendront ensuite les A350 et B787, entre 2016 et 2018. Ces changements, onéreux pour les finances du groupe engagé par ailleurs dans un vaste plan d’économies, ont pris du retard. « Zodiac, le fabricant des sièges, a dû revoir sa copie, car son produit amputait de 25% la recette sur la cabine et ne collait pas avec notre business plan », glisse-t-on en interne.

Air France ne touchera pas, en revanche, aux A380 récemment entrés dans la flotte. Trop chers à modifier! Idem pour Singapore Airlines. Car il lui faut également investir des sommes faramineuses pour défendre son leadership dans les divertissements à bord. Le nouvel écran Panasonic eX3 de 46 centimètres de large avec manette de commande tactile en business (1.400 programmes audio et vidéo à la demande) va lui coûter la bagatelle de 400 millions de dollars. L’équivalent d’un A380 au prix catalogue ! Sans compter les 39 millions déjà déboursés pour installer le Wi-Fi en vol. Cet investissement n’est pas forcément rentable, selon Air France, qui hésite encore à suivre mais promet d’étoffer l’offre de films étrangers. Et innove, en permettant aux passagers de voir leur film gate to gate, dès le décollage et jusqu’à l’atterrissage.

Mais tous ces équipements électroniques ne serviront à rien dans la stratégie de remontée en gamme du champion français si ce dernier n’améliore pas le service. Ses clients ne tarissent pas d’anecdotes sur le sujet. Comme ce PDG d’une entreprise publique sur un vol à destination de Pékin qui demandait comment était le canard laqué du chef étoilé Michel Roth et s’est vu répondre par le steward : « Je fais mieux à la maison ! » Même dit en plaisantant, c’est difficile à avaler lorsqu’on a déboursé plus de 4.000 euros pour son billet

Des hôtesses triées sur le volet

On imagine mal la « Singapore’s girl » aussi désinvolte. Triée sur le volet, cette icône de la compagnie passe quatre mois en formation (contre un mois à Air France) à apprendre comment se coiffer selon les codes inflexibles de la maison ; à harmoniser son rouge à lèvres avec le vernis à ongles, obligatoire, sur les pieds ; ou encore à s’agenouiller avec grâce auprès des passagers dans un sarong fait sur mesure – interdit de prendre le moindre kilo ! « Nos hôtesses sont toutes asiatiques et à 80% d’origine singapourienne, détaille Maggie Li, en charge du service à bord. Leur moyenne d’âge est d’un peu moins de 30 ans. Elles symbolisent l’hospitalité asiatique et sont une référence mondiale. Elles doivent en conséquence être impeccables. »

Pas question d’être aussi strict à Air France, où l’on n’a pas voulu « jouer la carte du service stéréotypé de certains de nos concurrents », précise Marine Gall, directrice de l’expérience clients sur les long-courriers. Au total, les 19.000 personnes dédiées à ce réseau vont devoir réviser leur attitude. « Nous voulons retrouver les gestes du raffinement français qui ont été perdus au fil du temps au profit des procédures », confie sa responsable. Eviter de dire « voulez-vous du vin rouge ou du vin blanc? » mais plutôt « puis-je vous offrir un verre de chardonnay? » en présentant l’étiquette de la bouteille, par exemple. Evident, non ? Ou encore relever la couverture du passager qui a glissé pendant son sommeil et éteindre son écran vidéo.

Cette attention est d’autant plus facile à porter pour les hôtesses de SIA qu’elles sont plus nombreuses à bord : 1 pour 8 passagers en business sur un A380, contre 1 pour 13 à Air France. Certes, la main-d’œuvre est également moins chère en Asie (15% de charges, contre 30% à Air France). Sans parler de l’absence de grèves, interdites par le gouvernement singapourien.

Des repas gastronomiques trois étoiles

L’Asie reste toutefois une référence pour la direction française. Avant de prendre ses fonctions de PDG du groupe Air France-KLM, le 1er juillet, Alexandre de Juniac a tenu à envoyer une quinzaine de personnes (hôtesses, pilotes, mécaniciens et cadres administratifs) à Shanghai et à Singapour. Non pas pour espionner ses concurrents, mais pour visiter l’hôtel Shangri-La et le Penin-sula, et s’inspirer de leur sens de l’accueil.

A l’inverse, Singapore Airlines dépêche ses équipes en France pour y dénicher les meilleures toques. Car si les hommes d’affaires aiment bien dormir, ils aiment aussi bien manger et bien boire. SIA est la première compagnie à avoir servi en vol des plats d’un trois-étoiles Michelin, ceux de Georges Blanc. Elle dispose aujourd’hui d’un panel de neuf chefs étoilés internationaux pour préparer les menus. « On dépense plus dans les plats et les boissons que la majorité des compagnies, car, in fine, c’est ce que retiendra le passager de son voyage. Et, par rapport aux coûts du kérosène, cela reste négligeable! » lance Hermann Freidanck, ancien restaurateur allemand, recruté pour diriger le catering de Singapore Airlines.

Plats chinois, thaïlandais, japonais ou orientaux : la diversité de ses clients l’oblige à varier sans cesse ses menus. Un vrai casse-tête pour la direction, qui a récemment trouvé une astuce pour faciliter la gestion des repas : « Book the cook » (réservez le chef). Le système permet aux clients de la classe affaires et de la première de réserver à l’avance leur menu gastronomique sur Internet.

Taittinger pour Air France, Dom Pérignon pour Singapore

Côté français, avec 57% d’Européens à bord, on n’a pas le même souci: « Les Chinois ou les Japonais qui choisissent Air France veulent de la gastronomie française », souligne un consultant. Depuis 2009, les privilégiés de la première peuvent d’ailleurs déguster les plats d’Alain Ducasse servis à la table dans le luxueux salon VIP de la compagnie, qui bat là tous ses concurrents, à l’aéroport Charles-de-Gaulle.

A bord, Air France leur offre un château-lascombes 2007 (second grand cru de Margaux). Singapore Airlines, de grands crus de Bourgogne. La lutte est également féroce pour le champagne : les deux compagnies déversent chacune près de 1 million de bouteilles par an dans les coupes des heureux clients. Du Taittinger pour Air France, du Dom Pérignon pour SIA. Depuis 2001, Singapore a en revanche remplacé les bulles en classe économique par un verre de vin blanc servi avant le décollage. Tandis qu’Air France va réintroduire une coupe de champagne. Histoire de faire remonter l’estime, aussi, à l’arrière de la cabine.

Avec l’aimable autorisation de challenges.fr
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