24 novembre 2024

Air France sur 6 mois © DR

Stratégie, Air France, Rio – Paris

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Air France sur 6 mois © DR

Questions / réponses à Jean Belotti

STRATÉGIE D’AIR FRANCE

Question : Le mois passé, Air France – dont je suis un fidèle client depuis des décennies -évoquant le spectre de la récession, a annoncé l’engagement d’économies et, à quelques jours près, une commande géante d’appareils. Ces deux décisions ne  sont-elles pas contradictoires ?
Réponse : Il s’agit, d’après ce que l’on sait, de prendre des mesures – dès maintenant et en 2012 – qui permettront de réduire les coûts et d’améliorer la compétitivité d’Air France/KLM par rapport à ses grands concurrents européens, tout en validant une commande ferme d’environ 50 avions et 50 options (Airbus A350 XWB et Boeing 787 Dreamliner).
Tout d’abord, on peut s’étonner que ce plan de rigueur ait été mis en place alors que :
– le trafic d’Air France/KLM a progressé de 6,9% en juillet et de 7,6% en août ;
– les compagnies aériennes du monde entier – avec 2,77 millions de vols pour le mois d’août 2011- ont enregistré une augmentation de 3 % par rapport à août 2010. C’est donc le troisième mois consécutif que l’aviation mondiale enregistre ces mêmes taux de croissance ;
– qu’il est prévu pour 2012 une croissance de près de 5%.
Puis, il convient de rappeler quelques conséquences de tels plans de rigueur. Ont déjà été envisagés un plan de départ volontaire à la retraite (alors que la compagnie, en deux ans a déjà perdu 10% de ses effectifs) et le gel des embauches. Plus grave encore, disent les organismes représentatifs des personnels : sans reprise de la croissance, un plan de suppression porterait sur 5.000 à 10.000 postes sur les 58.000 actuels.
Par ailleurs :
– l’annonce de contrats à durée déterminée et les contrats d’intérim est une solution qui n’est pas de nature à motiver les personnels, alors préoccupés par l’insécurité de leur emploi ;
– quant à avoir davantage recours à la sous-traitance, il n’est pas certain que cela serait moins coûteux que les propres prestations internes de la compagnie, sauf à solliciter des entreprises 8de bas niveau, peu coûteuses, mais peu performantes sur le plan de la fiabilité, voire de la sécurité.
Depuis des décennies, lors des périodes de récession, de tels plans ont vu le jour. Or, étant donné que les phases de ralentissement de l’activité ont toujours été suivies d’une reprise, puisque le nombre de passagers transportés est en constante progression, force est de constater que dans la phase de reprise :
– la perte du savoir-faire des personnels qui ont été mis à la retraite anticipée est préjudiciable à l’efficience de la compagnie ;
– quant aux employés restés en place, ce sont eux qui supportent la charge de travail supplémentaire, en devant travailler plus vite et mieux ;
– il est alors urgent de procéder à des embauches qui ne sont pas forcément opérationnelles dans de brefs délais.
Au sujet de l’autre source d’économie citée, celle de la diminution des capacités de la compagnie, c’est-à-dire la suppression de certains vols, indépendamment de la réaction d’une certaine clientèle pénalisée, il en résulte une part plus importante des frais fixes par rapport aux frais variables de l’exploitation.

Finalement, prendre des dispositions pour pallier les effets d’un ralentissement de l’activité économique et d’être prêt lors de la reprise, démontre qu’Air France entend assurer sa pérennité et il convient de s’en féliciter. Il reste que cette double vision antinomique de l’avenir conduit à des décisions qui paraissent incompatibles. Or, il ne fait aucun doute qu’il existe certainement
de bonnes raisons les justifiant, qui méritaient d’être données par Air France, ce qui éviterait les interrogations de ses fidèles clients.

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Question : Quel est votre avis au sujet de certaines pressions de politiques faites à la suite de l’annonce d’une importante  commande d’avions faire par Air France à Airbus et à Boeing?
Réponse : La question appelle une réponse en plusieurs points :
1.- De quoi s’agit-il ? D’une commande de cent avions long-courrier (Boeing 787 et Airbus 350) représentant un marché de plus de 20 milliards de dollars, pour notamment remplacer les flottes A340 d’Air France et MD11 de KLM.
2. – Pourquoi deux types d’avions ? Pour une simple et bonne raison d’efficience consistant, en fonction des spécificités de chaque type, de faire un choix en fonction des besoins différents selon les dessertes. D’autres considérations – trop longues à décrire ici – sont également prises en compte, dont l’objectif d’Air France de pouvoir réaliser en interne l’entretien de ses appareils, sa filiale de maintenance étant déjà agréée par le motoriste américain GE (qui équipe tous ses long courriers, ainsi que les futurs 787), et l’agrément de Rolls Royce, en cours d’instruction.
3.- Quid des pressions politiques ? Ce sont celles d’un député – soutenu par une pétition ayant recueilli plus de 140 signatures – pour que la compagnie française privilégie Airbus face à Boeing. Les arguments avancés dénotent un patriotisme certain (“Démarche pour défendre les intérêts de l’industrie européenne”) et citent, certes, des faits indéniables (“Aux États-Unis tout le monde fait du lobbying et ça n’émeut personne” – “pressions intenses de Boeing auprès du gouvernement américain lors de la
récente affaire des avions ravitailleurs du Pentagone où Airbus a été évincé”), mais non probants. Par ailleurs, l’annonce selon laquelle “cette commande d’une centaine d’appareils allait partir à 100 % chez Boeing si mes collègues et moi n’avions pas tiré la sonnette d’alarme”. Nous avons déjà réussi à faire panacher la commande entre Airbus et Boeing mais ce n’est qu’un début. À
terme, je souhaiterais que 100 % de la commande revienne à Airbus”, est utopique. Tous les arguments avancés sont donc bien insuffisants pour justifier leur prise de position. Pourquoi ? Pour la simple raison que la décision d’une telle commande ne se prend pas au pied levé en fonction de quelque pression que ce soit, mais après plusieurs mois d’études, effectuées par des équipes ad hoc, à partir de critères économiques objectifs – coût d’exploitation par siège le plus faible en fonction des  destinations à desservir – et en toute indépendance. Cela est un fait indéniable.
De plus, l’objectif “100% Airbus” signifie un retour au protectionnisme, qui est inconcevable si l’on tient compte des éléments suivants :
– La moitié des avions qui volent aux Etats-Unis sont des Airbus, appareils qui, de surcroît, comptent eux-mêmes une partie importante de composants américains.
– American Airlines avec sa récente commande – la plus grosse commande jamais émise par un avionneur – de 260 Airbus (sur 460 appareils dont 200 B737) est également la plus importante jamais enregistrée par Airbus. Plus qu’un « formidable succès pour l’industrie française et européenne » (dixit le ministre français de l’Industrie Eric Besson), le vrai exploit d’Airbus est d’avoir fait tomber l’une des dernières citadelles de Boeing sur son marché domestique. American Airlines était en effet la dernière des grandes compagnies américaines traditionnelles à ne pas figurer parmi les clients d’Airbus.
– Chez Boeing, une “Boeing French Team”, composé d’un ensemble d’industriels français, participent à la production du B787, dont plusieurs membres du groupe Safran, Latécoère, etc…, sociétés qui jouent, en effet, un rôle important dans la chaîne des fournisseurs de l’avionneur américain.
– La France est un Etat de droit, avec des règles européennes et mondiales qu’il doit respecter (OMC – Organisation Mondiale du Commerce).
– La convocation d’Air France par le secrétaire d’Etat au commerce extérieur s’inscrit dans une démarche d’interventionnisme de l’Etat, également non admissible, d’autant plus que l’Etat ne détient plus que 15,4 % du capital d’Air France. Elle appelle ces deux commentaires :
– Cette convocation contribue, malheureusement, à laisser croire qu’Air France est encore sous influence étatique et n’est toujours pas tout à fait libre de ses mouvements.
– Notons également que KLM serait en droit de s’étonner que l’Etat français intervienne dans les décisions internes du groupe dont elle fait partie.
Quant à Air France qui :
– exploite 186 Airbus pour sa flotte moyen et long courrier contre seulement 73 Boeing ;
– a aussi été la première compagnie européenne à commander et à exploiter l’A380 ;
– a une flotte moyen courrier (famille A320) composée de 100 % d’Airbus;
il ne peut lui être reprocher de favoriser Boeing.
Sa position est sans ambiguïté : “L’analyse et la comparaison de chacun des programmes et leurs performances respectives fera l’objet d’une recommandation au Conseil d’administration d’Air France KLM, souverain, seul compétent pour cette décision stratégique”.
Alors, finalement :
– Il n’est pas question de privilégier Boeing au détriment d’Airbus, mais de rappeler – comme l’ont fait récemment le Président de la République et son Premier ministre – l’impact sur la balance des paiements des ventes d’Airbus à l’étranger.
– Beaucoup de bruit inutile et rien d’étonnant que d’aucuns s’étonnent de constater qu’un groupe aussi important d’élus de la Nation puisse approuver une aussi affligeante démarche s’inscrivant dans un retour au protectionnisme et à l’interventionnisme !

ACCIDENT DU VOL RIO/PARIS

Question : Au sujet de l’accident du vol de Rio, le directeur général d’Air France/KLM a déclaré que « la probabilité que le même accident puisse se reproduire a été réduite à une valeur infinitésimale, ayant fait reculer considérablement, peut être totalement, la reproduction de cet accident ». Confirmez-vous cette conclusion ?
Réponse : La déclaration a été faite devant les journalistes de l’AJPAE (Association des Journalistes Professionnels de l’Aéronautique et de l’Espace). Connaissant leurs compétences en matière d’aéronautique, il est peu probable qu’ils aient été convaincus par l’argumentaire qui leur a été présenté, si l’on tient compte des trois commentaires suivants :

Aucun risque de se tromper avec cette rassurante déclaration ! En effet, à la suite de tout accident, dès lors qu’une procédure non appropriée ou un système défaillant ont été clairement identifiés, des modifications sont apportées et il n’y a plus de raison à ce que le même type d’accident sur le même type d’avion se renouvelle, c’est ce qui est confirmé par les faits, depuis des  années. Cette déclaration est donc une simple lapalissade !

Quant à l’argumentation selon laquelle “au cours des deux dernières années, les autorités et les avionneurs ont défini une méthode de rattrapage du décrochage à laquelle les pilotes sont formés, si bien que, de nos jours, le décrochage se terminerait par une récupération de l’avion », il serait intéressant de connaître le contenu de ladite formation, mais également et surtout, en
amont, de s’interroger sur les raisons pour lesquelles ce type d’avion, supposé ne jamais sortir de son domaine de vol, a cependant été mis en situation de décrochage profond… ce qui ne sera connu que lorsque les enquêtes en cours seront terminées !

Au sujet des sondes Pitot :
– La justification de pointer du doigt les sondes Pitot Thales – alors que les enquêtes ne sont pas terminées – au motif qu’avec les nouvelles sondes Goodrich il n’y a pas eu de nouvel incident à Air France, est-elle fondée ? Les médias ayant révélé qu’avec lesdites sondes Goodrich plusieurs incidents étaient également survenus dans d’autres compagnies, il en résulte que l’hypothèse d’un incident de ce type sur avion d’Air France/KLM ne peut être totalement écartée.
– L’existence d’une panne similaire survenue sur un A340 avant l’accident de l’AF447 Rio/Paris a conduit, du fait d’un fort gradient de vent en turbulences, à une vitesse dépassant la limite autorisée et à une forte augmentation de l’assiette de l’avion le faisant passer, en moins d’une minute, de 35.000 à 38.000 pieds. Si cela était confirmé, la preuve serait administrée que les accusations portées sur le fonctionnement des sondes Thalès à l’origine de l’accident deviendraient alors non fondées.

Question : Dans votre chronique du mois passé, vous avez montré la différence existant entre le manche traditionnel et le mini-manche. Je retiens du rapport du BEA sur l’accident de l’AF 447 que le copilote de droite avait sûrement la main crispée (tétanisée) sur le mini-manche, stressé par toutes ces alarmes, les turbulences et son incompréhension de la situation. Celui à gauche – sans doute stressé aussi – n’a pas vu la main droite de son collègue. Quant au Commandant de bord revenu dans le poste, il n’a également pas vu la position du minimanche du pilote de droite. Dans les mêmes circonstances, si l’avion avait eu un manche traditionnel, les trois pilotes auraient bien vu qu’il était complètement tiré en arrière et auraient peut-être pu réagir plus tôt. Qu’en pensez-vous ?
Réponse : Votre remarque est intéressante car l’amplitude du déplacement du manche – tenu des deux mains – étant importante et donc visible, à aucun moment des pilotes de ma génération n’auraient maintenu le “manche au ventre”. Si votre point de vue était retenu par le BEA, il ferait alors l’objet d’une recommandation de modification, dont on imagine la difficulté de sa mise en
oeuvre : remplacement des mini-manches par les manches traditionnels sur toute la flotte des avions d’Airbus !

DÉPENSES POUR LA SÛRETÉ
Question : Dans votre dernière chronique vous avez posé la question de savoir si l’affectation des dépenses engagées pour la sûreté l’avait été à la sécurité routière des centaines de milliers de vies n’auraient-elles pas été sauvées dans le monde, depuis 2001. Pouvez-vous nous donner plus d’informations ?
Réponse : Il s’agit d’une conclusion partagée par de nombreuses personnes, simplement à la suite d’une estimation, certes, arbitraire, mais probablement pas loin de la réalité. En effet, les plus de 5.000 employés à la sûreté des aéroports parisiens représentent déjà des coûts élevés.En y ajoutant les investissements (systèmes d’inspections des bagages ; scanners à bagages ; plus de 4500 caméras réservées à la sûreté,…), les médias ont cité un montant de 5 milliards d’euros. Certains équipements sont très coûteux, tels que les tomographes (scanners très fiables en trois dimensions), dont le coût dépasse le million d’euros et dont une Directive Européenne a imposé la généralisation pour tous les bagages d’ici à 2018.
En incluant, même grossièrement, les coûts engagés sur tous les aéroports du monde, on arrive à valider la conclusion citée.

DIVERS

Question : Que pensez-vous du projet d’utilisation d’une énergie électrique pour assurer les déplacements au sol des avions jusqu’à proximité de la piste de décollage ?
Réponse : Il s’agit probablement du prototype de propulsion électrique récemment mis au point, à l’aéroport de Hambourg-Finkenwerder, par une équipe de chercheurs du Centre allemand de recherche aérospatiale (DLR), d’Airbus, et de Lufthansa Technik. L’expérience a effectivement été menée sur un Airbus A320 ATRA (Advanced Technology Research Aircraft). Le dispositif – formé d’un système de pile à combustible alimentant en électricité deux électromoteurs placés au niveau des deux jantes de la roulette de nez (système formé par les roues placées sous le nez de l’appareil) – permet d’entraîner l’avion de 47 tonnes, sans aucune émission de gaz polluants et presque sans bruit.
Il a été déclaré qu’en utilisant des roulettes de nez électriques sur des avions de la taille d’un A320, les avantages seraient les suivants :
“- le potentiel d’économies de kérosène, par exemple, à l’aéroport de Francfort serait d’environ 44 tonnes par an ;
– la diminution totale des émissions en gaz polluants au sol, dans ce même aéroport, serait d’environ 18% ;
– la durée de mise en service des réacteurs serait réduite jusqu’à deux heures par jour pour sept décollages quotidiens d’un même avion, augmentant ainsi les intervalles de temps entre les travaux de maintenance nécessaires ;
– Les nuisances sonores à proximité des aéroports, provoquées par les avions se déplaçant, poussés par leurs réacteurs du terminal de départ jusqu’au début de la piste de décollage, seraient totalement supprimées”.
Qu’en est-il plus précisément ?
Le point le plus important à citer est le fait que la mise en route des réacteurs se fait actuellement :
– à l’aide de “groupes de parc” (fournissant la tension électrique, les pressions hydraulique et pneumatique) ;
– et avec la présence de personnels au sol munis des moyens d’intervention (extincteurs) en cas d’incendie survenant lors de la mise en route.
Ainsi, émergent cinq commentaires :
1.- Sauf à admettre que la mise en route se ferait à partir des batteries de bord et en l’absence du personnel de sécurité au sol, il conviendrait donc de placer des groupes de parc à proximité des entrées des pistes d’envol, dont celles en service, qui sont déterminées par les agents de la circulation au sol de la Tour de contrôle de l’aéroport (en fonction de la variation de la force et de la direction des vents dominants)…, d’où des délais de déplacement, donc de coûts supplémentaires.
2.- De plus, le temps de mise en route prenant plusieurs minutes, les avions ne pourraient pas attendre, à la queue leu leu, que le précédent ait terminé sa mise en route pour faire la sienne, sous peine de retarder considérablement le trafic au décollage. Il en résulterait donc l’obligation de mettre en route dès l’arrivée à proximité de la piste, d’où la nécessité de prévoir, à l’entrée de
chaque piste, suffisamment de groupes de parc et une aire suffisamment grande pour faire stationner les avions en attente de leur tour pour décoller…, d’où des coûts de réalisation d’agrandissements importants de toutes les aires d’attente.
3.- S’ajoute également le fait que les groupes de parc utilisés à proximité des zones de stationnement appartiennent aux principales grandes compagnies basées sur l’aéroport et pour les autres, les groupes de parc sont ceux de l’aéroport proprement dit ou de sociétés d’assistance.
On voit tout de suite venir des questions cruciales : À qui appartiendront les groupes de parc placés en bout de piste ? Chaque compagnie, l’aéroport et les sociétés d’assistance y mettrontelles leurs propres groupes de parc ? Ou y aura-t-il un pool de groupe de parc dont les coûts d’achats, d’entretien et d’utilisation seraient supportés par toutes les compagnies utilisatrices ?
Quel serait l’organisme qui en assurerait l’exploitation et quel en serait le coût ?
De surcroît, sur les aéroports importants, une directive de l’Union Européenne interdit actuellement le monopole de tels services.
4.- Les piles devront être systématiquement rechargées au maximum afin d’éviter l’immobilisation d’un avion sur un taxiway :
– soit avant d’atteindre l’aire de mise en route ;
– soit lors d’un retour au terminal pour raison de vérification technique ;
– soit, après l’atterrissage au lieu de destination, avant d’atteindre la zone terminale ;
ce qui impliquerait une mise en route avec les batteries de bord, laquelle ne pourrait se faire qu’après l’arrivée du service anti-incendie, sauf à imaginer la suppression de cette mesure de sécurité !
5.- Quant à la nuisance à proximité des aéroports, contrairement à ce qui a été déclaré, elle ne serait pas totalement supprimée, car tant que toute la flotte mondiale ne sera pas équipée de ce mode de déplacement électrique, des avions de différents types et de divers pays continueront à se déplacer avec leurs réacteurs en fonctionnement (même si la possibilité, après l’atterrissage, d’en couper un sur trois ou deux sur quatre a déjà été appliquée).
En fait, les principales nuisances sonores pénalisant les riverains ne sont pas celles des avions au sol, mais celles des avions au décollage et à l’atterrissage (bruit résultant de l’utilisation des “reverse” – forte augmentation de la poussée des réacteurs – pour réduire la distance d’atterrissage).
En conclusion, pour apprécier les avantages de ce projet (dont le principal est probablement le gain de potentiel moteur), il convient de les comparer : à la pollution lors de la fabrication desdites piles ; à leur coût d’achat ; aux contraintes d’entretien et de recharge ; ainsi qu’aux divers impacts décrits ci-dessus.

Question : Ayant appris que des pilotes d’une compagnie américaine viennent de refuser de se syndiquer, est-ce que cela serait envisageable en France, afin d’éviter les grèves à répétition des syndicats de navigants ?
Réponse : Effectivement, les pilotes d’une compagnie américaine – en l’occurrence, il s’agit de JetBlue – on refusé, à une large majorité (ils sont plus de 2.000), d’adhérer à l’ALPA (Air Line Pilots Association), le tout puissant syndicat américain des Personnels Navigants Techniques, chargé de la défense de la profession. Pourquoi ? Simplement pour préserver la culture  d’entreprise actuelle caractérisée par un climat relationnel, basé essentiellement sur une collaboration constructive entre les navigants et la direction, résultant d’un dialogue social permanent, évitant ainsi les confrontations menant à des mouvements de grève. Il est vrai que cette “low cost” (basée à New York, qui n’existe que depuis quelques années) a pu, avec efficacité,  semble-t-il, mettre sur pied un système performant, puisque les équipages, eux-mêmes, ont refusé d’être syndiqués !
La question qui se pose est de savoir si ce modèle est généralisable ? Cinq éléments de réponses :
1.-Tout d’abord, il convient de dire que le PN (Personnel Navigant) peut très bien être syndiqué sans que pour autant cela signifie le déclenchement automatique de grèves. Preuves à l’appui : – Nouvellement affecté à Madagascar, les impasses et anomalies dans les opérations aériennes étaient telles que j’avais créé la « Fédération Malgache de l’Aviation Marchande », ce qui m’avait permis d’obtenir de nettes améliorations par l’autorité de tutelle, concernant les opérations aériennes des compagnies (Air France et Air Mad). Et cela, sans mouvement de grève (de surcroît, avec la satisfaction du ministre des transports qui m’avait décerné le titre de “Commandeur de l’Ordre National malgache” pour ma contribution à l’amélioration de la sécurité aérienne à Madagascar).
– Revenu en France, j’ai assumé diverses fonctions syndicales (Secrétaire et Président du Bureau Air France, puis Secrétaire général et Président du Bureau National du SNPL). Une de mes premières décisions avait été de créer la “Commission technique” et la “Commission économique”, après avoir convaincu les pilotes que l’acquisition des arguments indispensables à la défense de notre profession et à la sécurité des vols passaient par une bonne connaissance de ces deux domaines. Les faits ont montré tout l’intérêt de ces deux commissions, grâce auxquelles, au cours de six années, de nombreux accords ont été signés avec Air France et le SGAC (Secrétariat Général de l’Aviation Civile), sans déclenchement de grève. Étant en fin de mandat, lors de la grève générale nationale de 1968, le SNPL a été un des rares syndicats à ne pas se mettre en grève et à continuer à assurer le départ des vols depuis Bruxelles.
2.- Quant à la grève – surtout lorsqu’elle est déclenchée lors d’une importante manifestation de portée internationale ou au moment du départ en vacances – il ne faut pas s’étonner que la grande majorité des citoyens la trouve inadmissible, considérant avoir été pris en otages. Sentiment que je partage, d’autant plus qu’il existe d’autres dispositions efficaces, commentées dans différents écrits et que j’avais d’ailleurs été amené à appliquer, à une certaine époque.
Cela étant dit :
– Les statistiques montrent que les grèves du PN ne sont pas plus fréquentes que celles d’autres professions.
– Les grèves sont souvent déclenchées pour des raisons de sécurité ou pour des comportements des employeurs et administrations qui – les exemples sont nombreux – au lieu de traiter le problème soulevé dès son origine, attendent de recevoir le préavis de grève pour engager de difficiles négociations qui se terminent en pleine nuit, avec des compromis qui ne donnent
d‘ailleurs satisfaction à aucune des deux parties.
– Les motifs de réaction des syndicats portent généralement sur les atteintes à leurs conditions de travail, donc à la sécurité (augmentation des heures de vol ; réduction des temps de repos ; réduction de la durée des formations ; …).
– Sur leurs prérogatives également. C’est ainsi qu’à Air France, par exemple, les Commandants de bord n’ont plus le droit de surclasser un passager, même s’il existe de bonnes raisons de le faire, ne serait-ce que pour sa fidélisation et pour l’image de marque de la compagnie. De nombreux autres exemples peuvent être cités. Ils confirment que les pilotes ont laissé se dégrader leur statut, pris par des querelles intestines et des éclatements en plusieurs syndicats, avec comme conséquence d’être de moins en moins représentatifs. Certes, le passé est le passé, mais je ne peux m’empêcher, ici, de rappeler que pendant mon mandat syndical, il existait déjà un syndicat minoritaire (l’UNL – Union des Navigants de Ligne) dont j’avais réussi à ramener tous ses adhérents au sein du SNPL, ayant tous compris qu’il était préférable que les pilotes parlent d’une seule voix. De nos jours l’existence de plusieurs syndicats de représentation des pilotes nuit à leur efficacité.
3.- Concernant la généralisation du modèle de JetBlue, force est de constater que les pilotes de JetBlue ne peuvent pas faire part de leur point de vue aux instances nationales et internationales établissant les textes régissant la profession, car seuls les organisations représentatives ont leur mot à dire. Ils ne participent donc pas à l’évolution des règles régissant le transport aérien civil. Finalement, il en résulte donc qu’ils bénéficient des améliorations apportées à la suite des interventions des syndicats, alors qu’ils en ont totalement été écartés et ont même fait l’économie de leur cotisation d’adhérent…. tout en bénéficiant des retombées des acquis obtenus par les interventions de leurs collègues d’autres compagnies appartenant aux organismes représentatifs
4.- Pour cette simple raison – et également pour d’autres non développées ici – il est donc évident que ce modèle de JetBlue n’est pas transposable en France. Mais rien n’interdit de réfléchir sur une amélioration des relations entre employeurs et employés, qui ne peut être que profitable pour deux parties. À ce sujet, j’avais proposé une façon de procéder afin d’éviter le conflit  consistant à hiérarchiser les problèmes afin de les résoudre plus facilement. Elle avait été acceptée, mais n’avait pas pu être mise en oeuvre, le directeur général ayant été remplacé et, étant en fin de mandat, mes successeurs n’avaient pas donné suite à cette suggestion.
5.- Ayant été amené à évoquer des faits très anciens, d’aucuns rétorqueront qu’au lieu de rabâcher il vaut mieux s’intéresser au présent et au futur, comme le rappelle le proverbe chinois selon lequel “Toutes les fleurs de l’avenir sont dans les semences d’aujourd’hui”. Certes ! Mais, je répondrais simplement que dans les événements qui nous concernent quotidiennement pour
lesquels nous avons des avis à émettre, des choix à formuler, la prise en compte du passé, c’est-àdire de l’histoire, nous apporte un éclairage indispensable à une bonne prise de décision, comme l’avait déjà annoncé Georges Santayana « ceux qui ne peuvent se rappeler le passé sont condamnés à le répéter ».

Question : Le succès de Vueling, ne signifie-t-il pas que les “low cost” ont le vent en poupe ?
Réponse : Cette compagnie espagnole qui dessert une cinquantaine de destinations a effectivement transporté plus de 10 millions de passagers en 2010, enregistrant ainsi un taux de croissance de 35%. Ce faisant, elle est rentable, étant liée à Iberia (qui détient presque 50% de son capital), grâce, entre autres, aux correspondances favorisées sur le “hub” de Barcelone.
Cela étant dit, la question qui se pose est de savoir si de tels taux de croissance, signe de succès, peuvent se renouveler et pendant combien de temps ? Avant de répondre, il convient de tenir compte de ce qui se passe dans les autres compagnies “low-cost”. En effet, EasyJet – malgré un chiffre d’affaires en progression de 8% – a enregistré une perte importante de plus de 170 millions d’euros au premier semestre 2011. Air Berlin – numéro 3 du secteur “low cost” européen – est également en difficulté. Par ailleurs, indépendamment des plaintes portées contre Ryanair depuis plusieurs années (aides publiques illégales ; non respect des législations nationales ; « dumping social » ; …), tout récemment, un syndicat belge a porté plainte pour des pratiques illégales au regard du droit belge chez le personnel navigant (30 euros par mois déduits du salaire pour l’uniforme ; mutations sans compensation ; interdiction de vivre à plus d’une heure de trajet de l’aéroport ; ..).
Finalement, les “low cost”, après avoir effectivement touché une nouvelle clientèle et avoir exploité quasiment tout ce qui pouvait être mis en oeuvre pour l’attirer et la fidéliser, n’approchent-elles pas de la partie haute de la courbe sigmoïde – bien connue des économistes – traduisant la phase de saturation ? Alors, le nouveau mode de fonctionnement qui pourrait se
généraliser, serait celui – déjà engagé – des compagnies dites “hybrides”, comme “Transavia” (voir ma chronique de mars 2007), formées d’éléments empruntés à des modèles différents que sont les “vols réguliers”, les “charters” et les “low-cost”.

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2 thoughts on “Stratégie, Air France, Rio – Paris

  1. M. Belotti, avec tout le respect que je vous dois, les avions démarrent systématiquement les moteurs sur APU et non sur groupe de parc ( sauf panne APU bien sur). Tout le paragraphe sur les problemes de mise en route approchant la piste est donc a coté de la plaque.

    1. Réponse de Jean:
      « Bravo ! C’est un PNC et non pas un Pilote qui a constaté cette erreur. Effectivement le démarrage des moteurs se fait avec l’APU. Le groupe de parc n’est utilisé qu’en cas de panne d’APU ou difficulté de démarrer avec l’APU.
      Bien cordialement.
      Jean Belotti »

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