
Un pilote suédois qui volait depuis treize ans en utilisant une fausse licence, a été arrêté mardi à l’aéroport d’Amsterdam-Schiphol alors qu’il allait s’envoler pour Ankara avec 101 passager à bord de son avion.
L’histoire ressemble comme deux gouttes d’eau au film de Steven Spielberg, Arrête-moi si tu peux. Ce blockbuster, sorti en 2002, relatait l’histoire de Frank Abagnale Jr, un petit escroc débrouillard joué par Leonardo DiCaprio qui, pour arriver à ses fins, revêtait des identités aussi diverses que celles de médecin, de professeur d’université ou encore de pilote de ligne. Un film salué par la critique… et qui a bien dû faire rire Thomas Salme. Depuis treize ans, ce Suédois de 41 ans joue au commandant de bord et totaliserait 10.000 heures de vol… sans licence. Mardi, peu avant 20 heures et après deux ans de traque, les policiers de l’aéroport d’Amsterdam-Schiphol ont mis fin à sa carrière. Définitivement.
Quelques instants plus tôt, le « commandant » Salme se trouvait à bord d’un Boeing 737 de la compagnie turque Corendon. Avec son second, ils entamaient la check-list, cette procédure de sécurité qui consiste à vérifier méthodiquement si l’avion est en état pour effectuer la phase de vol. Consciencieusement et à voix haute, les deux hommes ont commencé par contrôler les volets, le train d’atterrissage puis le pilote automatique. Une demi-heure plus tard, l’aéronef et ses 101 passagers devait s’arracher du tarmac d’Amsterdam à destination d’Ankara.
Supercherie
Tandis que Salme et son copilote étaient en train d’achever la procédure, plusieurs hommes armés se sont engouffrés dans l’avion. Des policiers suédois. Depuis deux jours, ils patientaient dans une chambre d’hôtel avec vue imprenable sur les pistes. Une chambre en partie réaménagée : plaqué contre l’une des vitres, un appareil photo équipé d’un puissant téléobjectif. A la place du lit, du matériel d’intervention. Dans l’entrée, deux gros sacs noirs siglés « Police ». L’aboutissement de deux années d’enquête. Les autorités néerlandaises, en coopération avec leurs homologues suédoises, en ont acquis la certitude : pendant treize ans, le pilote aux allures de play-boy a volé un peu partout dans le monde avec une fausse licence. En tout, il aurait effectué plus de 10.000 heures de vol sans se faire inquiéter. Pourtant, en 2007, alors qu’il postulait pour Jet4you, filiale de la compagnie belge Jetair, les recruteurs avaient démasqué la supercherie pendant l’entretien d’embauche et immédiatement prévenu les autorités du danger que représentait ce « vrai-faux » pilote. Ces dernières n’avaient pas réagi.
Plusieurs formations suivies
Sans ménagement, Salme a été interpellé dans le cockpit de l’avion. La compagnie, prévenue, l’a fait remplacer dans l’instant et l’appareil a pu décoller normalement. Conduit dans les locaux du poste de police de l’aéroport d’Amsterdam, Salme s’est facilement confié, assurant même qu’il était « soulagé ». Selon ses premières déclarations, il était titulaire jusqu’en 1997 de la CPL, une licence qui permet de piloter de petits aéronefs mais n’autorise pas le transport de passagers. Il a aussi confirmé qu’il volait bien depuis treize ans avec une fausse licence et affirme avoir notamment travaillé pour les compagnies Air Sweden, Apollo Airlines (Grèce), Air One (Italie), Jet2.com (Royaume-Uni) et une compagnie belge dont il n’a pas précisé le nom. De leur côté, les représentants de la compagnie Corendon ont, dans un communiqué, affirmé être « extrêmement choqués ». « Nous prenons cette affaire très au sérieux », a déclaré Yildiray Karaer, le directeur général de la société. Selon ce dernier, le pilote suédois a posé sa candidature en septembre 2007 auprès de Corendon Airlines en produisant un faux brevet délivré par les autorités suédoises. « Corendon a contrôlé les états de service du pilote. Il est apparu lors de cette vérification qu’il n’y avait aucune raison de ne pas l’embaucher. Par la suite, ce dernier a suivi plusieurs formations pratiques avant d’être intégré dans l’équipe. »
« Le monde est mon lieu de travail »
Problème, il semble que depuis quelques années, Thomas Salme, qui habite Milan, était bien connu des compagnies aériennes européennes. D’aucuns, cités par différents médias hollandais, affirment même que « la plupart d’entre elles savaient qu’il n’avait pas de licence ». Pourtant, Salme, décrit par ses collègues turcs comme un « homme à femmes » ayant des conquêtes dans chaque ville, ne semblait pas plus inquiet que ça. Sur sa page d’accueil Facebook, comme une ultime provocation, il assurait même que le « monde (était son) lieu de travail ». Selon les autorités néerlandaises, il risque une peine maximale de six ans d’emprisonnement pour falsification de document ainsi qu’une amende de 76.000 euros.
Ivresse, endormissement et crise de démence dans le cockpit
Eux ont leur licence mais ne sont pas exempts de tout reproche. En novembre dernier, un pilote qui assurait la liaison Londres-Chicago a été débarqué manu militari de l’appareil par la police, après avoir été dénoncé par un autre membre de l’équipage : l’homme, un quinquagénaire, était totalement ivre et s’apprêtait à lancer la procédure de décollage.
Les passagers ont dû prendre un autre vol. Même péripétie, en mai 2009, toujours au départ de Londres avec un pilote d’American Airlines cette fois, ou en novembre 2008 à l’aéroport de Heathrow, sur un vol United Airlines vers San Francisco. Le pilote n’avait pas pu reprendre les commandes après s’être plié à un alcootest qui s’est avéré positif. Chez les pilotes, la limite permise d’alcool est de neuf microgrammes par 100 ml, soit bien moins que pour les automobilistes.
Mais il n’y a pas que l’alcool. Le mois dernier, c’est un pilote de la compagnie El Al qui s’est endormi en plein vol à bord de son Boeing 737 qui transportait une centaine de passagers ! Il avait pris des somnifères à la place de ses pilules habituelles pour la tension. C’est le copilote qui a pris le relais.
Il y a deux ans, sur un vol d’Air Canada entre Londres et Toronto, une hôtesse de l’air a dû être appelée à la rescousse après la crise de démence du copilote. Ce dernier, devenu très agressif, voulait « parler à Dieu ». Il a été sorti de force du cockpit par l’équipage et attaché sur un fauteuil de la classe affaires. Le commandant de bord avait alors demandé aux passagers si l’un d’entre eux avait un brevet de pilotage. C’est finalement une hôtesse de l’air qui l’a assisté. Le copilote a été interné.
Enfin, beaucoup moins tragique mais édifiant, ce vol Northwest Airlines aux Etats-Unis, durant lequel l’équipage a purement et simplement raté l’aéroport où il devait poser l’appareil. Après un détour de 240 kilomètres, l’appareil a dû faire demi-tour. Pour toute explication pilote et copilote ont indiqué qu’ils étaient alors engagés dans une conversation extrêmement animée…
Source: France-Soir.fr