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Les avions sont mis au régime


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Les avions sont mis au régime



Afin de maximiser le rendement, les compagnies aériennes allègent le contenu des avions. Sièges, moquettes, fourchettes, tout est repensé.

Muriel Jarp - le 25 octobre 2009, 22h23
Le Matin


De quoi on parle?
Dans un souci d'économie et d'écologie, les compagnies aériennes réduisent au maximum les kilos transportés. Chaque objet, des sièges aux fourchettes, est passé au crible afin d'optimiser le poids de l'avion. Au Japon, on conseille même de passer aux toilettes avant l'embarquement!



Des avions poids plume. Enfin presque. La tendance est confirmée, c'est la traque aux kilos superflus pour les compagnies aériennes.

La raison est d'ordre économique. Chaque kilo gagné, c'est du kérosène épargné. Le poids du fuselage est laissé aux constructeurs. Eux aussi incorporent de plus en plus de matériaux composites - des mélanges de résine - aux traditionnels alliages en aluminium. L'intérieur de la cabine est, en revanche, laissé à l'appréciation des compagnies. «Et, par chance, c'est aussi bon pour l'environnement!» ironise Pierre Condom, spécialiste de l'aviation. Qui rappelle que, contrairement aux idées reçues, le transport aérien, utilisé par quelque 2,2 milliards de passagers chaque année, ne produit que 2% du CO2 émis par l'activité humaine.

Pas de petites économies
De la moquette au papier toilette, en passant par les fourchettes, les chariots ou le rembourrage des sièges, rien n'est laissé au hasard. Une compagnie japonaise a même vidé l'intérieur de son chargement sur le bitume, afin de s'assurer que rien de superflu n'était emporté dans les airs. «Le poids est surtout important lorsque l'avion monte, c'est là qu'il va dépenser un maximum d'énergie», rappelle Pierre Condom. Ainsi, les compagnies low-cost, qui effectuent des courts trajets, donc un grand nombre de décollages quotidiens, sont les plus intéressées à perdre des kilos. Mais la tendance est générale.

Chez Swiss, on assure qu'il «n'y a pas de petites économies», comme le précise Jean-Claude Donzel, porte-parole. Depuis quelques mois, les sièges sont rembourrés avec de l'air, une invention de l'entreprise suisse Lanthal, permettant d'économiser jusqu'à 5 kg par passager. Cet allégement majeur n'empêche pas pour autant de compter les petites cuillères embarquées. «Un avion qui a 10 kg de moins, cela représente 1100 kg par année si vous prenez un A321. Si vous multipliez par 3,1 cela donne le nombre de kilos de CO2 économisés par année», calcule Jean-Claude Donzel. Qui précise néanmoins que le confort du client reste le premier souci. Impossible pour la compagnie helvétique d'imposer à ses clients de passer aux WC avant d'embarquer, comme c'est le cas au Japon. All Nippon Airways teste ce mois cette mesure, qui devrait permettre d'économiser 4,2 tonnes de CO2 par mois.

Si nombreux sont ceux qui jugent cette idée complètement saugrenue - «Autant se débarrasser du contenu des toilettes en l'air!» lance Pierre Condom - tous admettent que les petits ruisseaux font les grandes rivières. «Prenez un avion de 300?places, calcule le spécialiste. Si on ne gagne rien que 1?kg par place, on gagne trois passagers, donc 1% des charges payantes. C'est important.»

Et les risques?
Ces économies permettent d'économiser du kérosène mais aussi par conséquent d'emporter moins de pétrole - l'avion, plus léger, consommera donc encore moins - ou alors d'ajouter du poids en augmentant le nombre de passagers pour les entreprises low-cost. De plus, diverses taxes d'aéroport sont prélevées sur le poids maximal annoncé d'un appareil, comme l'explique François Bouteiller, directeur des opérations chez Baboo. Si les restrictions sur le confort matériel n'inquiètent pas les spécialistes, ils déplorent que certaines compagnies ont réduit le poids de l'appareil en économisant sur la sécurité des passagers. «Il y a eu plusieurs incidents. Des low-cost, heureusement pas les compagnies majeures, ont pris le risque de transporter moins de kérosène et ont dû effectuer des atterrissages d'urgence», explique un spécialiste de l'aviation.

Tendance confirmée
Si ces cinquante dernières années l'aviation a réduit ses émissions de CO2 de 50%, la chasse aux kilos, elle, a véritablement commencé en 1973, lors du premier choc pétrolier, rappelle Pierre Sparaco, membre de l'Académie française de l'air et de l'espace. Et son confrère d'évoquer une anecdote: «Je me souviens que Concorde avait calculé le poids de l'équipement au gramme près. L'épaisseur de la tôle autour des équipements électroniques était devenue un casse-tête pour les ingénieurs. Mais, à bord, on nous servait le repas avec de l'argenterie massive et de la porcelaine tout aussi lourde!»

Mesures excessives

Voyager debout
Jacques Pierrejean, designer français d'intérieurs d'avion, s'est penché sur l'idée de simple repose-fesses en lieu et place de siège. Le passager voyage donc à la verticale. La compagnie chinoise Spring Airlines songe, elle, à des tabourets, voire à des cabines vides de tout siège, afin d'accueillir 40% de passagers en plus. Des idées qui ne tiennent pas la route, selon les spécialistes. Outre les problèmes de sécurité liés à la ceinture et à la résistance du siège, si l'on veut plus de passagers, il faut alors augmenter le nombre de sorties de secours, extrêmement onéreuses, mettent en garde les spécialistes de l'aéronautique.

Taxer les gros
Connu pour ses propositions chocs, le PDG de Ryanair, Michael O'Leary, avait lancé avril 2009 l'idée d'une fat tax, ou taxe d'obésité. La compagnie low-cost proposait entre autres idées loufoques d'imposer chaque kilo supplémentaire pour les hommes de plus de 130 kg et les femmes de plus de 100 kg.

Passer aux WC avant l'embarquement
C'est la dernière en date. La compagnie japonaise All Nippon Airways teste ce mois-ci la vessie de ses passagers. Tous sont priés de faire un tour aux WC avant d'embarquer. Cela permettrait d'économiser 4,2 tonnes de CO2 par mois selon la compagnie.
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