27 novembre 2024

Pourquoi mange-t-on si mal et cher à Roissy ?

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        Pourquoi mange-t-on si mal et cher à Roissy ?
        Par Sarah Masson | Etudiante en journalisme | 30/07/2009 | 13H09

        « Pourquoi mange-t-on si mal et cher à Roissy ? », s’est récemment demandé un membre de Rue89. Une fois passée la zone de contrôle, les enseignes à bas coût disparaissent pour laisser la place à un quasi monopole. Pourquoi est-il impossible d’y manger un sandwich correct pour moins de 10 euros ? Là où à Madrid, New York, Berlin… on trouve des McDonalds ou autres enseignes.
        Eco89 s’est attelé à cette enquête de fond.

        Difficile, en cette période de vacances, d’obtenir la moindre information sur ce qui, au fil de cette enquête, apparaît comme un sujet sensible :

        « Pas du tout ! , se défend le service com d’Aéroports de Paris (ADP), il y a une très grande diversité des enseignes, aussi bien dans la zone publique que dans la zone réservée. De toutes façons, comme nous sommes une entreprise où l’Etat est encore actionnaire, tout est transparent. »

        Un problème de segmentation

        En regardant de près l’architecture des différents terminaux sur le site d’ADP, on comprend que c’est d’abord une question de segmentation. Comme peut s’en vanter ADP, sur l’ensemble de l’aéroport de Roissy il y a beaucoup de « points de vente » différents.

        Mais une fois entré dans un terminal et franchi le contrôle de sureté, il ne reste plus qu’une ou deux enseignes, qui vendent généralement les mêmes produits au même prix. C’est notamment le cas des terminaux 2E et 2F, les plus récents et les plus utilisés.

        C’est le principal problème : dans la plupart des aéroports internationaux modernes, les passagers en transit ou en attente de leur vol peuvent circuler d’un terminal à l’autre. A Roissy, cinquième aéroport du monde en termes de passagers, les espaces sont verrouillés.

        Voilà pourquoi on ne peut pas profiter de la diversité des restaurants « pour tous les budgets ». Sur le terminal 2F , la zone est même séparée en deux ports d’embarquement. Si vous partez de la porte F21 à F36, vous profiterez des enseignes Paul, Illy et Exki. Mais si vous embarquez de la porte F41 à F56, vous ne trouverez qu’un Colombus café. Au terminal 2B également, seulement deux enseignes une fois passés les contrôles (voir le plan des terminaux).

        Des loyers deux fois plus chers qu’en centre-ville

        Mais au-delà de ce problème d’aménagement, à la différence des autres aéroports internationaux, une fois passée la zone de contrôle, on ne trouve plus de Mac Do, Pizza Hut ou Hippopotamus. Disparus, évacués !

        Une porte-parole de la direction de Paul évoque des contrats sur sites concédés avec Elior, spécialiste de la restauration de concession dans les gares, les aéroports, les autoroutes et les lieux touristiques notamment.

        Elior est un « assemblier », il exploite un portefeuille de marques (dont Paul, Quick, Exquis, Bert’s…) et établit des contrats de franchise très spécifiques. « On ne peut pas aller voir un aéroport et dire “je veux ouvrir”, cela ne se fait pas aussi simplement. » Elior partage le terrain avec SSP (Select service partner, une filiale du groupe Compass) et Relay en tant qu’exploitants des aéroports de Roissy et d’Orly.

        Jacques Suart, directeur de la communication chez Elior vient éclairer notre lanterne :

        « Un aéroport aujourd’hui est une entreprise privée (depuis 2005, Aéroports de Paris est passé du statut d’établissement public à celui de société anonyme NDLR). Elle fait donc des appels d’offres auxquels nous essayons de répondre de façon appropriée. Le cahier des charges est très précis (besoins en termes de flux, stratégie d’ADP…) »

        La stratégie en effet semble bien rodée. Elle s’établit sur un contrat de concédant dont la redevance s’élève à « deux fois le montant d’un loyer en centre ville. C’est pourquoi les prix des consommations sont élevés », explique Jacques Suart.

        Et il faut un certain standing pour faire partie de la « short list » des restaurants autorisés à passer la barrière de sécurité. Jacques Suart cite les enseignes installées dans la zone réservée : Bert’s, Piatto del gusto ou encore Expressamente Illy.

        De plus, ce sont des baux de dix ans, donc l’attente peut-être longue.

        Pressions et chantage

        Ces pratiques sont analysées dans « Le lobbying est-il une imposture ? » d’Eric Eugène, professeur à l’université de Paris Dauphine. Selon son étude, dans ce monde, il y a tout un système de pressions et de chantage derrière tout ce qui est dit. Une responsable communication du secteur nous laisse entendre que la communication d’ADP est bien connue pour être une des plus verrouillées.

        Selon Eric Eugène, il y a connivence entre les entreprises de restauration et ADP. L’aéroport ferait en sorte de décourager les restaurants bon marché de s’installer. C’est une question d’image. ADP veut donner l’impression que l’avion reste le moyen de transport de luxe. Donc son environnement est aussi plus « select ».

        Un Mac Do serait fâcheux pour l’image d’ADP. De toutes façons, Mac Do ou Quick n’iront pas se plaindre d’être victimes de comportements déloyaux. Cela pourrait se retourner contre eux. Chez « Mac Do France », qui rappelle que deux de ses établissements sont installés dans la zone publique de Roissy, sous contrat avec la société SCP, on précise avec précaution :

        « On entre dans des détails de stratégie de développement. On ne peut pas s’exprimer sur ces sujets sans avoir vu avec [ADP] quelle est leur politique dans ce domaine. »

        Toujours selon le livre d’Eric Eugène, même si ces opérations sont légales, cela ressemble fort à des accords tacites. Et ADP n’est qu’une infime partie de ce qu’il dénonce comme « un système vérolé dans son ensemble ».

        Conclusion du service de presse d’ADP :

        « Il y a des points de vente pour tous les budgets dans les zones réservées de nos terminaux. Par exemple, on peut y trouver un supermarché Casino. Les Mac Do sont très appréciés par les passagers mais également par les accompagnants (personnes qui attendent ou accompagnent les passagers) et par le personnel de la plateforme (qui n’a pas forcément accès à la zone réservée). D’où sa localisation en zone publique. »

        La haute autorité de la concurrence dit n’avoir « jamais entendu parler » de manque de concurrence dans les services de restauration dans les aéroports parisiens. En revanche, le 15 décembre 1998, ADP s’était vu
        infliger une amende de 500 000 francs pour ses pratiques dans le
        secteur de l’hôtellerie à la périphérie des aéroports (voir la décision de la haute autorité de la concurrence).

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