Avec l’arrivée de l’été, ce ne sont pas seulement les thermomètres qui vont atteindre des sommets mais aussi les retards aériens. En effet, selon le dernier rapport annuel d’Eurocontrol, alors qu’en moyenne « seulement » 20% des vols étaient en retard sur l’année 2017, le pourcentage avoisinait les 30% pendant les mois de juillet et août. Et il y a peu de chance que nous y échappions pendant l’été 2018.
Or si le choix d’un billet d’avion est essentiellement déterminé par le prix, la ponctualité de la compagnie aérienne joue un rôle tout aussi important. Certaines compagnies aériennes se vantent ainsi d’être parmi les plus ponctuelles d’Europe et de nombreux passagers sont prêts à payer plus cher pour voyager sur ces compagnies et être sûrs d’arriver à l’heure. Deux questions se posent alors : d’une part, combien sommes-nous prêts à payer pour qu’un avion arrive à l’heure ? D’autre part, si des passagers sont prêts à payer plus pour améliorer la ponctualité de leurs vols, pourquoi les compagnies aériennes n’investissent-elles pas plus dans la ponctualité ?
C’est à ces deux questions que tâchent de répondre deux chercheurs américains, Philip Gayle (Kansas State University) et Jules O Yimga (Embry-Riddle Aeronautical University), dans un article de recherche intitulé «How much do consumers really value air travel on-time performance, and to what extent are airlines motivated to improve their on-time performance ? » qui a été publié dans Economics of Transportation en 2018.
Les retards aériens : quelle responsabilité des compagnies ?
Que ce soit aux Etats-Unis ou en Europe, on catégorise un vol comme en retard à partir du moment où il atterrit avec plus de 15 minutes d’écart avec l’horaire initial. En utilisant ce critère, le pourcentage de vols en retard oscille généralement entre 20 et 25% aux Etats-Unis et en Europe, avec chaque année un pic autour des mois d’été.
Les causes des retards dans l’aérien sont nombreuses. On pense spontanément aux aspects météorologiques (neige, tempête, orage, etc.), mais d’autres facteurs peuvent jouer tels que la régulation du trafic aérien par les contrôleurs aériens, l’arrivée tardive de l’avion ou de l’équipage devant effectuer le vol, les délais de passage de « la sécurité » à l’aéroport, etc. Si parmi ces facteurs, certains sont incontrôlables, d’autres sont du ressort de la compagnie aérienne. Ainsi, une compagnie aérienne peut programmer des vols plus longs ou des demi-tours moins serrés afin d’absorber d’éventuels retards. Mais la mise en place de telles pratiques génère des surcoûts qui devront être payés in fine par les passagers. Alors combien les passagers aériens sont-ils prêts à payer pour être à l’heure ?
Des passagers aériens sensibles à la question des retards
Pour les passagers loisirs comme affaires, l’annonce d’un vol en retard est une mauvaise nouvelle. Au-delà du temps additionnel perdu dans l’avion (ou dans l’aéroport à attendre), un vol en retard va générer des coûts supplémentaires pour les passagers : perte potentielle d’un client ou délai dans la signature d’un contrat, réservations d’hôtels perdues, durée de vacances raccourcie, etc.
Une étude scientifique, réalisée en 2008, révélait ainsi que les compagnies aériennes qui sont systématiquement en retard sont moins attractives aux yeux des passagers aériens. Plus précisément, à chaque fois qu’une compagnie aérienne avait une minute de retard supplémentaire, le prix moyen de ses billets d’avion devait baisser de 1,42$ pour rester
Combien payer en plus pour atterrir à l’heure ?
En fonctionnant en sens inverse, Philip Gayle et Jules O Yimga cherchent à estimer le montant que les passagers aériens sont prêts à payer pour garantir la ponctualité de leur vol. Ils s’appuient pour cela sur les données collectées par le ministère des transports américain sur une dizaine d’années (de 2002 à 2012). Cette analyse de l’ensemble des vols américains révèle qu’en moyenne, un vol comprenait 167 passagers et avait 12 minutes de retard. A partir de ces données, les deux chercheurs se lancent dans des analyses (essentiellement à base de régressions linéaires multiples à une ou deux étapes) pour analyser les facteurs de la demande d’un billet aérien et mettre en évidence le montant que les passagers aériens sont prêts à payer pour être à l’heure. Le résultat est sans appel, un passager aérien est en moyenne prêt à payer 1,56$ pour réduire d’une minute le retard de son vol.
Puisqu’un « vol type » a en moyenne 167 passagers et 12 minutes de retard, la compagnie aérienne pourrait ainsi récolter 3126 dollars supplémentaires par vol (=1,56 x 12 x 167) si elle était ponctuelle. Les chercheurs américains vont même plus loin et en arrivent à la conclusion qu’une réduction de 10% des retards d’une compagnie aérienne entrainerait une augmentation de 2,39% de la demande, mais surtout une hausse de 3,95% des recettes variables.
Les compagnies aériennes doivent-elles investir seules dans la ponctualité ?
Mais alors qu’attendent les compagnies aériennes pour investir dans la ponctualité ? La réalité est hélas plus compliquée puisqu’améliorer la ponctualité a aussi un coût pour les compagnies aériennes. Les recettes supplémentaires générées par cette nouvelle ponctualité seront-elles suffisamment élevées pour couvrir les frais additionnels à dépenser pour atteindre ce nouveau niveau de ponctualité ?
Philip Gayle et Jules O Yimga en arrivent à la conclusion que, pour les compagnies aériennes, les investissements nécessaires pour améliorer la ponctualité sont actuellement trop élevés pour être compensés par des recettes supplémentaires. Il n’est donc pas surprenant de constater une forme de stabilisation du pourcentage de vols en retard. Toutefois, les coûts et les bénéfices associés au retard vont au-delà du simple vol puisqu’ils peuvent avoir des répercussions (ou externalités) sur le reste de l’économie (client perdu, vacances ratées, etc.). Or pour gérer des externalités, il faut faire appel à l’Etat afin qu’il puisse jouer son rôle de régulateur. Ces deux chercheurs suggèrent ainsi que l’Etat puisse combler ce différentiel entre les coûts et les revenus générés par une meilleure ponctualité, à travers des réductions de taxes pour les compagnies aériennes les plus ponctuelles.
Au-delà même de la question du montant supplémentaire que les passagers aériens sont prêts à payer pour un vol à l’heure, il faut retenir que la question de la ponctualité va au-delà de la responsabilité des compagnies aériennes et que l’Etat a encore une fois un rôle à jouer dans la régulation du transport aérien.
Faut savoir selon certains articles, c’est le prix qui fait la différence.
Tout se complique quand il s’agit d’une low cost qui est ponctuelle mais qui n’assure aucun service après vente 🙂
Insoluble à calculer !