Filiale d’Air France depuis 2001, la compagnie aérienne City Jet a continué à faire travailler ses employés sous régime irlandais pendant six ans. En décembre, le passage sous contrat français s’est soldé par une baisse de salaire de 35 %.
Les employés de City Jet ont du vague à l’âme. Un tiers des 96 employés de cette compagnie aérienne sur Roissy a stoppé le travail et manifesté le 1er octobre. La semaine suivante, les salariés sont allés jusqu’à l’Assemblée nationale pour interpeller les députés sur les mauvaises conditions de travail et protester contre un salaire en baisse continuelle. « Nous voulons des salaires conformes aux autres filiales d’Air France, comme Brit Air ou Régional », insiste Stéphane Sévénéant, steward et délégué CGT. Or depuis le rachat par Air France de cette compagnie irlandaise en 2001, leur rémunération et leur statut n’ont jamais été clairs.
DES SALARIéS DANS LE BROUILLARD
Pendant six ans, les employés restent sous contrat de travail irlandais, malgré leur affiliation à Air France. « On ne s’est pas posé la question, cela avait l’air normal », explique Stéphane Sévénéant. Un décret de 2006 change la donne : les personnels navigants doivent être sous contrat de travail du pays dont ils dépendent. Le personnel posté à Paris demande à bénéficier du régime français. Mais City Jet renâcle. Plutôt que d’accéder à leur demande, la direction, basée à Dublin, leur propose de déménager en Irlande ! Un comble pour des salariés qui habitent à Paris. S’ensuit un bras de fer de plus de deux ans avec la direction. Finalement, en décembre 2008, 63 employés obtiennent un contrat français. Cruelle contrepartie, leur salaire est amputé de 35 %. La direction justifie cette baisse par des charges sociales plus lourdes en France. « Pour eux, on a des avantages que le contrat irlandais ne nous donnait pas comme la Sécurité sociale et les allocations, cela leur semble normal qu’on soit payés moins cher », explique Marie-Nima Langevin, déléguée FO-SNPNC. Les salariés se sentent punis.
« Je touche 1 600 euros alors qu’avant j’avais presque le double. J’ai du mal à rembourser le prêt de ma maison », s’énerve-t-elle. D’autres n’ont pas obtenu le contrat français, comme ce chef de cabine italien. « En 2007, j’avais donné mon adresse à Paris pour justifier de mon domicile. Mais on m’a laissé sous contrat irlandais et rattaché à Dublin. Sans que j’aie mon mot à dire. »
En février 2009, il est victime d’un accident de voiture en allant au travail. « J’ai mis du temps à être reconnu comme accidenté du travail. J’ai finalement reçu une allocation de la Sécu irlandaise en juin, mais rien de la Sécu française. » Pendant cette période, il vit essentiellement sur ses économies, ne percevant quasiment rien de son employeur. En octobre, un ultime coup est porté au personnel. Les primes de vol, qui constituent une bonne part du salaire, baissent. « On nous pousse à reprendre des contrats irlandais, à rentrer dans le rang », devine Stéphane Sévénéant. Après la grève, les syndicats ont obtenu un rendez-vous avec les dirigeants venus de Dublin, mais pas de réponse. Pour justifier les salaires et les baisses de prime, « la direction nous dit que la base de Paris doit faire des économies. Elle parle de suppressions d’emplois, de fermeture de la base. On reste dans le flou », explique Marie-Nima Langevin. Aucune information ne transparaît sur les comptes de la société.
24 salariés aux prud’hommes
Prochaine étape, les prud’hommes de Bobigny, où 24 salariés ont assigné City Jet pour contester la baisse de salaire et obtenir remboursement des six années de cotisations sociales perdues à cause des contrats irlandais. Audience le 15 décembre.
Cécile Rousseau
Source : humanite.fr