Comme beaucoup de leurs amis, j’étais inquiet suite à ce procès en appel aberrant qui avait condamné nos deux pilotes à 20 ans de prison le 14 août 2015. J’ai donc sauté de joie quand j’ai appris qu’ils avaient rejoint la France le 24 octobre.
Le chemin de la liberté
Ce n’est pas du James Bond, mais une exfiltration organisée par une dizaine de copains de Pascal et Bruno, pour la plupart des anciens de l’Aéronavale et de l’Armée de l’Air. Seul l’un d’entre eux a été Commando de Marine. L’État n’y est donc pour rien et cela n’étonnera personne, vu que le Gouvernement et le Ministère des Affaires Étrangères ont été inexistants tout au long de cette affaire.
Les deux pilotes ont d’abord utilisé une embarcation de plaisance côtière et rejoint en mer un voilier qui a pris la suite pour les amener 500 kilomètres plus loin à Saint Martin. De là, ils ont pris un avion d’Air Caraïbes vers la Martinique et un avion régulier vers Paris.
Ils ont voyagé sous leur identité véritable, avec des cartes d’identité refaites.
Pourquoi n’ont-ils pas attendu le jugement en Appel de la Justice Dominicaine ?
Tout simplement parce que d’un bout à l’autre, toute la procédure dans ce pays avait été à la Justice ce que le Canada Dry est au whisky Chivas !
Après avoir été occupée par les USA de 1906 à 1924, la République Dominicaine a vécu sous diverses dictatures et c’est seulement depuis 1996 qu’on peut considérer qu’elle est devenue une démocratie, mais balbutiante. Les deux poumons économiques officiels sont le tourisme (1 milliard de dollars en 2013 et 4 millions de visiteurs) et un petit peu d’agriculture, mais il faut ajouter l’économie de la drogue, dont cette ile est devenue une plaque tournante vers les USA et l’Europe.
Ayons le réalisme de le dire : le chiffre d’affaires de la drogue est très probablement égal ou supérieur à celui du tourisme. Si on considère qu’un milliard de dollars, c’est environ 35 tonnes de cocaïne au prix du marché, on se rend compte que ces 100 kg / jour de trafic ont plausibles !
Ce chiffre d’affaires criminel est évidemment très concentré et c’est un levier extrêmement puisant pour acheter les consciences. Cela induit donc inévitablement une forte corruption et sur 180 pays, la République Dominicaine se classe au 29ème rang des pays les plus corrompus. Il en résulte une lutte entre ceux qui voudraient développer leur pays proprement et ceux, nombreux, qui ont intérêt aux diverses magouilles. On trouve ainsi dans cette affaire de Punta Cana des hommes chargés de police ou des magistrats qui sont des truands, mis en cause par les autorités Dominicaines et étrangères.
Dans cette affaire, il y a d’abord eu la mise en scène organisée par le Général Mateo commandant la DNCD (lutte anti drogue), qui était sur la sellette pour ses agissements suspects de trafic de la drogue qu’il était chargé de combattre et qui voulait se refaire une virginité. Ce Général a été limogé 3 mois après l’assaut sur le Falcon. Il fait l’objet d’une demande d’extradition demandée par les USA et l’Espagne pour trafic de drogue.
Le Procureur Guzman de ce procès a ignoré superbement les faits pour se consacrer à un seul objectif : affirmer qu’il s’agissait d’un vol privé, donc non soumis aux règlements internationaux qui régissent le Transport Aérien. Cet individu qui a poussé pour la condamnation de Pascal et Bruno en bafouant les lois Dominicaines est sous le coup d’une enquête pour fraude et corruption.
Le Colonel Liriano Sanchez, impliqué lui aussi dans l’assaut sur le Falcon, a passé un an en prison dans le cadre d’une enquête sur un trafic de drogue et un assassinat.
Belle brochette, n’est-il pas ? Et c’est avec cette clique que la Présidente du Tribunal a dû batailler, car contrairement à ces truands, elle est visiblement éprise de Justice. Elle fut tout d’abord appuyée par ses deux assesseurs, qui ont contré le Procureur avec elle sur ses prises de positions illégales. Mais voyez comme c’est bizarre, lors de l’audience suivante, ces deux juges ont été remplacés par deux autres qui ont pris le parti du Procureur et la Présidente s’est retrouvée seule face à cette meute.
Vous comprenez donc pourquoi Pascal Fauret et Bruno Odos ont choisi de quitter cette île, préférant s’en remettre à la Justice Française plutôt que d’aller croupir dans un cul de basse fosse local pour vingt ans, alors qu’en droit, ils n’auraient pas dû être inquiétés.
Il est évident qu’à leur place, j’aurais aussi pris la poudre d’escampette et vous êtes certainement nombreux à partager ce point de vue.
Qui sont ces pilotes ?
Je les ai rencontrés le 24 février de cette année à Punta Cana où nous avons dîné ensemble. J’ai rencontré des hommes sympathiques, avec qui je me suis senti de plein pied, qui avaient suivi le même cursus que moi de pilote de chasse, engagés dans des conflits, notamment en Yougoslavie ou en Afrique pour lesquels ils ont eu le plein de médailles sur leurs Mirage 2000. Ils se sont recyclés ensuite comme pilotes de ligne, comme tant d’autres que j’ai connus.
Trop âgés pour faire une carrière à Air France, ils ont trouvé un job dans l’aviation d’affaires, où ils se sont retrouvés pilotes dans une société qui exploitait le Falcon 50 appartenant à l’opticien Affelou, qu’il utilisait pour ses déplacements personnels. Quand ce Falcon était disponible, il le louait à la SN THS pour en amortir le coût. C’était le cas le jour de l’arrestation de l’équipage à Punta Cana.
L’aviation d’affaires est une aviation commerciale où on transporte des pax ou du fret un peu partout dans le monde, à la demande des clients que trouve leur employeur. Et il est évident que c’est la société qui les emploie qui décide des vols, exactement comme à Air France, la Direction met en ligne un avion sur la destination choisie et y programme l’équipage. C’est ainsi que les deux pilotes Pascal et Bruno se sont retrouvés programmés sur des vols de ce Falcon.
Le vol du Falcon vers la France était officiellement un vol commercial et jamais les deux pilotes de ce vol n’auraient dû être mis en cause
La réglementation internationale stipule sans ambiguïté que l’équipage n’a pas à fouiller les valises des passagers et ne peut être tenu pour responsable du contenu de leurs bagages.
Je l’ai déjà écrit dans ce blog, il est hors de doute qu’au cours de mes pérégrinations de Captain, j’ai transporté de la drogue, à l’insu de mon plein gré, comme tous les autres pilotes de ligne au monde et je n’ai jamais été inquiété.
Les autorités Dominicaines ne pouvaient ignorer cette réglementation, car en mai 2011, elles avaient arrêté 2 pilotes américains parce que de la cocaïne avait été trouvée dans la paroi de leur avion ! Ils avaient été libérés quelques semaines plus tard à l’instigation du Gouvernement américain, qui n’est pas un ectoplasme, contrairement au Gouvernement Français ! Cet incident aurait dû servir de jurisprudence aux autorités Dominicaines et aboutir à dégager immédiatement la responsabilité des deux pilotes de ligne.
Le Falcon 50 effectuait un vol commercial de transport public à la demande, entre la République Dominicaine et la France, pour le compte de la compagnie française d’aviation d’affaire SN-Transhélicoptère Service. La situation de vol commercial est étayée sans ambiguïté par :
– Le plan de vol commercial, avec accusé réception par tous les organismes de contrôle aérien concernés par le vol.
– Le certificat de transporteur aérien de la société SN THS
– Les autorisations de l’État Dominicain pour un vol « commercial », avec numéro du vol et le nom de l’exploitant SN THS portés au dossier et validés par la République Dominicaine.
– Comme pour tous les vols commerciaux, c’était aux autorités de l’aéroport de Punta Cana de procéder aux contrôles des bagages de ce vol, AVANT qu’ils arrivent à l’avion et c’est la société Swissport de Punta Cana utilisée également par des grandes compagnies comme Air France qui en était chargée. Dans un témoignage demandé par l’accusation, le représentant de la société Swissport a reconnu en audience que le handling de l’avion a fait l’objet d’une facture établie le 19 mars 2013, (jour de la saisie de l’avion) pour un vol qui était de nature commerciale.
– L’attestation de l’IDAC (Autorité aérienne Dominicaine, équivalent de notre DGAC), qui dans son dernier paragraphe, certifiait que le vol avait été accepté en tant que vol commercial charter.
Un Procureur qui écarte les faits qui lui déplaisent et en invente d’autres !
Tous ces éléments ne laissent planer aucun doute sur le caractère de vol commercial de cet avion. Mais depuis le début de l’affaire, le Procureur Guzman s’est acharné à tenter de prouver qu’il s’agissait d’un vol privé et que dans un tel vol, les pilotes étaient responsables du contenu des bagages.
Les deux pilotes n’ont jamais été entendus au cours de l’instruction.
Dans son réquisitoire, le procureur affirme que ce sont les pilotes qui ont eux-mêmes transporté la cocaïne en la faisant passer à travers un trou percé dans le grillage de l’aéroport. Aucune preuve n’est apportée pour étayer cette accusation surgie en audience, sauf la photo d’un grillage, non percé et et situé on ne sait ou ! On imagine aussi 682 kilos transportés à pied à travers le parking d’un aéroport international qui a évidemment des policiers qui circulent un peu partout ! Les valises auraient ensuite été chargées à l’intérieur de la cabine du Falcon.
Bien entendu, Pascal et Bruno contestent de toutes leurs forces cette version des faits. Selon eux, le fret est passé normalement par les services de l’aéroport après avoir été contrôlé comme il se doit par les autorités aéroportuaires, puis les valises ont été chargées dans la soute par le personnel au sol.
Ce n’est qu’après l’arrestation qu’elles ont été positionnées entre les sièges de la cabine pour les besoins d’un film commandé par la DNCD et largement diffusé dans les médias français. Le tournage a duré plus de trois heures avec de nombreuses répétitions de scènes (pilotes allongés sur le tarmac, galons arrachés, humiliation, etc). Cette vidéo promotionnelle sur les services anti-drogue dominicains sera ensuite exploitée par la justice au cours du procès comme « une preuve que les deux navigants étaient complices ».
Lors des audiences devant le tribunal de Saint-Domingue, les témoins vont se contredire, des rapports se révèlent incomplets, des preuves sont falsifiées.
Les quelques 40 membres de différents organes de sécurité publique ou aéroportuaire impliqués dans cette affaire sont acquittés ou écopent de peines légères.
Quelle suite en France ?
Les pilotes ont indiqué vouloir se mettre à disposition de la justice française.
Une instruction judiciaire a été ouverte pour « importation de stupéfiants en bande organisée et association de malfaiteurs », dès mars 2013. L’enquête vise le vol de Punta Cana, mais aussi d’autres vols transatlantiques réalisés par la société SNTHS et considérés comme suspects. Dix personnes sont mises en examen, dont les deux pilotes, qui devraient bientôt être entendus à Marseille.
Je ne doute pas que nous pourrons constater un contraste certain entre les fonctionnements de la Justice française, comparée à celle de la République Dominicaine, qui a encore du chemin à faire pour représenter celle d’une véritable démocratie. Cela expliquera de façon définitive pourquoi nos deux pilotes ont choisi de rentrer en France.
Pour terminer, je tiens à aussi à fustiger certains journalistes, qui ont pris parti sans rien connaitre de ce dossier. C’est fut le cas notamment du duo Neumann/Brunet qui se sont indignés le mercredi 28 octobre sur RMC que les pilotes se soient soustraits de la Justice d’un pays souverain. Entendre cela quand on sait comment a été fabriqué ce jugement, c’est fort de café ! Entendre Brunet déclarer de façon ridicule trois fois en deux minutes que l’avion transportait de la drogue de Saint Tropez vers Punta Cana donne une haute idée de sa connaissance du dossier !!!
Avec l’aimable autorisation de Christian Roger
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Bonjour ,
Deux questions concrètes :
– Destination de cet avion ?
– Combien de fois les pilotes ont effectué ce même vol ?
Bon retour à eux .