Le 12 septembre 1993, un Boeing 747-400 F-GITA de la compagnie aérienne Air France reliant Los Angeles à Tahiti est impliqué dans un accident. L’enchaînement d’événements qui a conduit l’avion à terminer dans le lagon est presque incroyable.
L’avion, évoluant sous le numéro de vol AF072, a rencontré des problèmes lors de son approche nocturne sur la piste 22. Au moment de l’atterrissage, le moteur numéro 1 a augmenté sa puissance à 107 % N1, désactivant les spoilers et les freins automatiques. L’équipage a été contraint d’utiliser uniquement l’inversion de poussée des moteurs 2 et 3 pour arrêter l’avion, ce qui a entraîné une sortie de piste.
Causes probables de l’accident du Boeing 747 Air France à Tahiti : mauvaise communication et mauvais jugement
L’accident a été attribué à une approche non stabilisée et à une anomalie du système de vol automatique qui a activé le mode remise des gaz à la hauteur de décision. Ceci, combiné à un atterrissage long, a une vitesse excessive et à une déviation vers la droite, a provoqué une sortie latérale de la piste.
Lors de l’analyse de l’approche et de l’atterrissage du vol F-GITA, une série de lacunes opérationnelles et communicatives au sein de l’équipage ont été identifiées. Le briefing avant l’atterrissage était insuffisant et manquait d’une discussion détaillée sur les rôles et responsabilités de chaque pilote. Cela a compromis la répartition des tâches pendant les phases critiques.
La communication entre les pilotes était inadéquate, en partie à cause des problèmes d’audition du commandant de bord, ce qui empêchait un échange fluide d’informations vitales. La situation a été exacerbée par l’atmosphère détendue favorisée par l’autorisation d’atterrissage à vue ce qui a pu entraîner une diminution de la vigilance.
Pendant les moments critiques de l’approche et de l’atterrissage, il y a eu un manque important de concentration sur les instruments qui étaient cruciaux pour indiquer les anomalies en cours. L’équipage s’est principalement appuyé sur des références visuelles extérieures, négligeant la nécessaire surveillance des instruments de bord qui auraient pu signaler l’augmentation de la poussée et de l’écart de vitesse.
Ce manque d’attention a abouti à une réponse tardive aux problèmes critiques apparus au cours de la descente. De plus, il y avait un manque apparent de préparation à exécuter une remise des gaz. C’est pourtant une procédure standard pour rectifier les anomalies en approche, ce qui indique un non-respect des procédures prescrites.
L’incident souligne la complexité du processus décisionnel dans les opérations aériennes. Malgré la vitesse excessive constatée, la décision de remettre les gaz n’a pas été prise, ce qui aurait été un choix prudent dans les circonstances. Voici les derniers instants de l’enregistrement du CVR lors de l’accident du Boeing 747 Air France à Tahiti.
- (28.45) (PF : Pilote en Fonction) « La hauteur de décision diminue. »
- (28.49) (PF) « Ok, en vue. »
- (28.53) (PNF : Pilote Non en Fonction) « J’allume les phares. »
- (PF) « S’il vous plaît. »
- (28.57) (PF) « On est un peu haut. Le régime moteur augmente.
- (28.59) (Système vocal) « Cinq cents. »
- (29h00) (PNF) « Vitesse de référence de poussée V NAV ».
- (PF) « Ok, je passe… je passe au visuel, d’accord ?
- (29.06) (Système vocal) « Quatre cents. »
- (29.08) (PNF) « Nous sommes au-dessus de la trajectoire de descente. »
- (29.09) (PF) « Ouais. »
- (29.11) (PNF) « Attention à la vitesse, vous allez trop vite. »
- (29.13) (Système vocal) « Trois cents. »
- (PNF) « On va beaucoup trop vite. »
- *Régime moteur en diminution*
- (29.16) (PF) « Cent quatre-vingts nœuds. Je n’ai pas… »
- (29.17) (PNF) « Que se passe-t-il ?
- (29.18) (PF) « Ah ouais, parce que… »
- (29.20) (Système vocal) « Deux cents. »
- (29.21) (PNF) « Ok, déconnecte-toi. »
- (29.24) (Système vocal) « Cent ».
- (29.28) (Système vocal) « Cinquante ».
- (29.28) (Système vocal) « Quarante ».
- (29.29) (Système vocal) « Trente ».
- (29h30) (Système vocal) « Vingt ».
- (29.31) (Système vocal) « Dix ».
- (29.32) (PNF) « Doucement, doucement, doucement, doucement, doucement. »
- (29.33) *Touchdown (bruit des roues touchant le sol) *
- (29.34) (PF) « Oh, oh, oh !
- (29.40) (PNF) « Qu’est-ce qui se passe ici ?
- (29.42) (PF) « Enclenchez la reverse… Je ne sais pas, ouais, ouais.
- (29.44) (PNF) « Toutes les reverses, attendez. »
- (29.47) (PF) « Il y a une reverse. » *Augmentation du régime moteur*
- (29.48) (PNF) « Tirer une fois les reverses. »
- (29.50) (PF) « Réinitialiser les reverses. » *Régime moteur en baisse*
- (29.51) (PNF) « Réinitialisation des reverses. »
- (29.53) (PF) « Réinitialiser les reverses. »
- (29.54) (PNF) « Là, une reverse ne s’est pas engagé. »
- (29.55) *Régime moteur qui augmente*
- (29.57) (PF) « (…) qu’est-ce qui se passe ? Soyez prudent, soyez prudent.
- (29.58) *Régime moteur en baisse*(30.01) (PF) « Aïe, aïe, aïe !
- (30.04) (PNF) « (…) mais que se passe-t-il (…) »
- *Augmentation du bruit ambiant similaire à une sortie de piste*
- (30.10) (PF) « (…) ! Oh oh oh! »
- (30.13) (PF) « (…) !
- (30.16) *Fin de l’enregistrement*.
L’analyse suggère qu’une atmosphère détendue, possiblement favorisée par l’autorisation d’atterrissage anticipé et une vue claire de la piste, aurait pu contribuer à la complaisance, réduisant le niveau de vigilance requis pendant la phase d’approche.
À cela s’ajoutaient la fatigue potentielle et l’excès de confiance découlant de l’expérience du capitaine, qui éclipsaient la nécessité de respecter les protocoles de sécurité.
Leçons apprises : l’excès de confiance est la mère de toutes les erreurs
L’incident a souligné à quel point il est essentiel de mettre l’accent sur le strict respect des protocoles et de maintenir une communication CRM. Les équipages doivent être prêts à effectuer une remise des gaz à tout moment de l’approche si des anomalies surviennent. Une formation continue et l’accent mis sur les protocoles de sécurité sont essentiels pour atténuer le risque que des événements similaires ne se reproduisent à l’avenir.
Depuis cet accident à Tahiti la compagnie aérienne Air France, comme beaucoup de compagnies aériennes, a beaucoup travaillé sur le CRM (Cockpit Ressource Management) et les procédures afin de limiter ce type d’accident.