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Air France harcèlement et sexisme

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Hôtesse de l'air Air France © Air France

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Anne Rigail, la directrice générale d’Air France, a promis de renforcer le « système de prévention et de soutien aux victimes » de harcèlement et sexisme de la compagnie, en mettant l’accent sur la sensibilisation et l’accélération de la formation de l’ensemble des employés.

La compagnie aérienne mettra à disposition du personnel une cellule d’écoute indépendante. Elle instaurera également un service dédié pour lutter contre la discrimination sexuelle et le harcèlement.

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« La protection de nos 40 000 employés est une priorité », a déclaré Anne Rigail à l’issue d’une rencontre la semaine dernière avec le ministre des Transports français, Philippe Tabarot. « Chacun doit pouvoir accomplir ses fonctions sans craindre le harcèlement ou des comportements sexistes. »

Philippe Tabarot avait exigé des « explications » de la part d’Air France après la publication d’une enquête de Radio France. Dans cette dernière plusieurs hôtesses de l’air ont dénoncé un harcèlement sexuel généralisé, souvent perpétré par des supérieurs.

Des escales propices aux « dérapages »

Le personnel est indigné par une culture qui a permis la normalisation de comportements sexistes, notamment lors des escales.

Dominique, une hôtesse de l’air, a raconté un dîner avec deux pilotes. Au cours de celui-ci elle a accidentellement fait tomber sa carte de crédit près du pied de l’un d’eux.

« Il a écarté les jambes, l’a ramassée, puis l’a frottée contre son entrejambe avant de la mettre dans sa bouche. Ensuite, il s’est penché sur la table, s’est approché de mon visage, et j’ai compris qu’il voulait que je récupère ma carte avec ma bouche. »

Mathilde, une autre hôtesse de l’air, a expliqué qu’elle subit du harcèlement presque quotidiennement depuis vingt ans. Lors d’un vol, le chef de cabine l’a saisie par les hanches et s’est collé contre elle alors qu’elle était accroupie.

« Je lui ai demandé d’arrêter et il m’a répondu : ‘Tu ne te rends pas compte à quel point tu m’excites.’ Il m’a plaquée contre les fours avec ses mains sur mes seins. »

Le harcèlement s’est poursuivi à l’hôtel où l’équipage séjournait. « Il m’a attirée vers lui et m’a embrassée devant tout le personnel. Puis, sur le vol retour, il a pris ma main et l’a posée sur son pénis. »

Mathilde a signalé l’incident à ses supérieurs, mais le steward a nié les faits et aucune mesure n’a été prise. « Sa parole valait évidemment plus que la mienne », a-t-elle déploré. Elle a porté plainte à la police, mais trois ans plus tard, l’enquête est toujours en cours.

Les pilotes « tout-puissants »

Les hôtesses de l’air ne sont pas les seules à se plaindre. Lucie, une commandant de bord, a critiqué la manière dont ses collègues masculins sont protégés.

« Je suis CDB instructrice. S’ils se comportent ainsi avec moi, leur supérieure, imaginez comment ils agissent avec les hôtesses », a-t-elle confié à Radio France. « À chaque fois que j’ai signalé ce type d’incidents à la direction, il n’y a jamais eu de sanctions. Les pilotes sont tout-puissants. »

Selon un rapport d’audit de septembre 2024 commandé par la direction d’Air France, près de la moitié des hôtesses travaillant sur les vols long-courriers trouvent leurs relations avec les pilotes inconfortables, voire très inconfortables.

Le rapport conclut à un « statut de pouvoir absolu des pilotes », qui est « maintenu par la direction ».

Suite à l’enquête de Radio France, le journal Libération a recueilli d’autres témoignages. « Quand j’ai rejoint Air France il y a 18 ans, on m’a dit : ‘Ce qui se passe en escale reste en escale’ », a raconté Béatrice, une hôtesse de l’air, au quotidien.

Les conditions uniques de l’industrie aéronautique peuvent exposer le personnel à ce type de comportements, selon Marjolaine Vignola, avocate spécialisée dans le harcèlement sexuel au travail.

« Les conditions de travail impliquent une proximité physique et une camaraderie particulière entre collègues, surtout pendant les escales. Séjourner dans le même hôtel, prendre un verre au bar… ce sont des moments informels, des zones grises à haut risque de harcèlement sexuel, car elles brouillent les frontières entre interactions professionnelles et personnelles », a-t-elle expliqué.

Elle pointe également une culture d’entreprise marquée par une hiérarchie très genrée, « où les postes à responsabilité sont souvent occupés par des hommes, et où l’image de l’hôtesse dévouée et soumise en uniforme contribue au niveau de risque ».

Air France harcèlement et sexisme, les victimes ont peur des représailles

Alors que le mouvement #MeToo a permis aux femmes d’autres secteurs, notamment le cinéma, de s’exprimer, un rapport interne d’Air France concernant le sexisme et le harcèlement de l’année dernière indique que de nombreuses femmes au sein de l’entreprise hésitent à le faire, craignant de ne pas être prises au sérieux.

« Le silence reflète la peur des victimes – peur des représailles de leur employeur », a souligné Marjolaine Vignola. « Ce silence dominant est symptomatique d’une culture d’entreprise qui tolère ce type de comportements. »

Anne Rigail a semblé répondre à ces préoccupations dans une vidéo interne. S’adressant aux 40 000 employés de la compagnie, la directrice générale a déclaré : « Nous devons tous reconnaître qu’aujourd’hui, ces situations sont susceptibles de se produire. J’attends de l’ensemble de l’équipe de direction qu’elle fasse tout le nécessaire pour que les employés puissent s’exprimer et se sentir protégés. »

Le personnel devrait être protégé par la charte anti-harcèlement d’Air France, mais le principal syndicat de pilotes, le SNPL, a refusé de la signer. « Cette charte n’est pas adaptée à notre mode de vie nomade », a expliqué Carl Grain, capitaine et président de la section Air France du SNPL.

Cependant, Alter, un autre syndicat, adopte une position différente. David Buchard, pilote et représentant du syndicat Alter, estime que l’enquête « révèle également un échec de la direction d’Air France à protéger le personnel ».

Dès 2021, Alter avait alerté à plusieurs reprises la direction sur la « normalisation » de comportements susceptibles de conduire à des situations « dramatiques », remettant même en question « la sécurité des vols ».

Le syndicat réclame des formations en présentiel dispensées par des organismes externes à Air France pour sensibiliser les pilotes, CDB et instructeurs au harcèlement et sexisme.

Selon Libération, Air France a mené 18 enquêtes sur des cas présumés de harcèlement sexuel en 2023 et 2024, aboutissant à 11 sanctions disciplinaires, dont trois licenciements.

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