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Crash Boeing 737 Max, le rapport du BEA

Boeing 737 Ethiopian

Boeing 737 Ethiopian Airlines

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Les Allemands ayant refusé de procéder à l‘analyse des enregistreurs du Boeing 737 Max, c’est le BEA français qui s’en est chargé, en liaison avec le Bureau d’Investigation Ethiopien, le NTSB, Boeing et la FAA.

Lien vers le rapport préliminaire du BEA du 10 avril 2018 (33 pages en anglais) : Preliminary-Report-ET302

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Voici les commentaires que nous pouvons faire dans cette analyse du rapport préliminaire.

Comme ma qualification sur Boeing 737 est très lointaine (1982) et que cette affaire est très pointue, j’ai demandé à des amis, pilotes chevronnés, de participer à cette analyse. Ces pilotes suivent mes cogitations depuis des années sur ce blog et m’ont fréquemment apporté des compléments intéressants. Il s’agit de Jean-Baptiste Berger, 61 ans, qui vient de prendre sa retraite de Captain de Boeing 777 Air France, de Gilles Demmerlé, 71 ans, ex ingénieur d’essai chez Dassault et Guy Marel, 69 ans, ex Captain d’Airbus 330/340 Air France, que je remercie de leur coopération.

Notre quatuor partage une passion : celle de décortiquer les analyses d’accidents pour que les causes exactes soient connues. Notre indépendance est totale, étant désintéressés financièrement, sans casseroles à trainer et peu soucieux de plaire ou déplaire.

Certains disent que 75% des accidents ont une cause humaine et comme les pilotes sont bien souvent au premier rang des victimes, il est d’usage de leur faire porter un chapeau qui, bien souvent, n’est pas le leur. 75% d’accidents pour cause humaine, cela comprend aussi les erreurs humaines des concepteurs des avions, ou de leur maintenance et dans les deux crashs de Boeing 737 Max, il s’avère que c’est Boeing qui porte la totalité de la responsabilité des 356 morts que ses errements ont entraînés.

Au demeurant, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain et se souvenir que chaque année, ce sont 4 milliards de passagers qui survolent la planète et que si les accidents sont spectaculaires, ils sont en nombre dérisoire. En 2017, il n’y a eu aucun crash d’avions de plus de 24 places !

Depuis 1945, le transport aérien s’est développé à 5%/an, c’est-à-dire deux à trois fois plus vite que la croissance économique mondiale et tous les augures laissent penser qu’il va continuer ainsi.

Dans ce document, nous souhaitons rendre hommage aux deux pilotes de ce vol, qui ont bien fait leur job et qui ont été trahis par une avionique démente.

Le Commandant de bord avait 29 ans, sorti d’école en 2010 et totalisait 8122 heures de vol, dont 1417 sur Boeing 737 Max, après avoir été copilote sur Boeing 777

Le copilote (F/O) était âgé de 25 ans et n’avait que 361 heures de vol, dont 207 sur Boeing 737 Max. Il aura fait une bien courte carrière.

Rapport du BEA : Déroulement du vol

Photo de deux enregistreurs FDR (Flight data recorder) et CVR (Cockpit voice recorder)

Le piteux état dans lequel étaient ces enregistreurs donne la mesure de la technicité pour les décrypter.

Une video  pédagoqique sur un simulateur Boeing 737 Max explique le drame

Le commentateur évoque quelques modifications à l’étude :

Notre propos étant l’analyse des systèmes, nous n’évoquerons que très peu les échanges radio entre les pilotes et la Tour concernant la trajectoire, qui ont été très professionnels.

Nous mettons en bleu la traduction littérale des pages 9 à 12 du rapport du BEA, qui donnent le déroulé du vol, secondes par secondes.

Un temps de vol très court

Le vol du drame va être très court. Il ne s’écoulera que 5 minutes entre la mise en poussée de décollage et l’impact. Le rapport donne la chronologie de ce vol de 300 secondes, avec les éléments suivants, classés par l’heure UTC de l’évènement :

05.38.44 : juste après le lever des roues au décollage, apparaît une divergence entre les deux sondes d’incidence (AOA = Angle Of Attack). La sonde gauche passe à une valeur erronée de 75° et restera dans cette position jusqu’à la fin du vol. Le stick shaker gauche s’active et le restera jusqu’à la fin du vol.

Rappelons que sur les Boeing, ce stick shaker fait vibrer les manches de pilotage avec un bruit très caractéristique pour signaler l’approche de la vitesse de décrochage.

05.39.22 : le pilote automatique gauche (PA) est enclenché

05.39.45 : les volets sont rentrés à 0.

05.39.55 : désengagement du PA. Sans intervention des pilotes. L’avion a quelques oscillations en roulis.

05.39.57 : le Captain demande au copilote (F/O) de demander au contrôle de maintenir le cap et de signaler qu’ils ont un problème de commandes de vol.

05.40.00 : Quelques secondes après le dégagement du PA, l’enregistreur FDR (Flight Data Recorder) signale indique qu’un ordre automatique de piqué (Aircraft Nose Down  = AND) s’est mis en route pendant 9 secondes. La montée est stoppée et l’avion descend lentement.

Une absence de mention du MACS par le BEA tout à fait incompréhensible

Pour des raisons inconnues et surprenantes, le rapport du BEA n’évoque jamais le fameux logiciel MACS, ((Manoeuvering Characteristics Augmentation System,) à l’origine des deux crashs de Boeing 737 Max, alors que cette action intempestive AND est justement le fait de ce logiciel !

Une première apparition du MACS

Comme les volets sont rentrés et le PA déconnecté, les conditions permettant l’intervention du MACS sont réunies. Comme la sonde AOA lui indique une donnée erronée de l’incidence, le processus AND amorce une correction à piquer d’une incidence détectée trop élevée.

05.40.03 : le GPWS (Ground Proximity Warning System), indicateur vocal de proximité du sol, s’active par l’annonce : « Don’t sink » (Ne descendez pas).

05.40.06 : le manche pilote est placé çà cabrer et une montée est enregistrée durant la séquence AND.

05.40.12 : 3 secondes après la fin de la séquence AND, le trim électrique de manche est activé à cabrer et entraîne un ANU (Aircraft Nose Up). L’assiette de l’avion ne change pas et la pression à cabrer est accentuée avec les manches pilotes.

Une deuxième intervention du MACS

05.40.20 : 5 secondes après la fin de la séquence ANU, une deuxième intervention du MACS se produit vers un piqué.

05.40.23 à 05.40.31 : 3 annonces du GPWS « Don’t sink »

05.40.27 : le Captain demande au pilote (F/O) de trimer avec lui.

05.40.28 : le trim électrique est activé et un ANU enregistré.

Mise des interrupteurs de Stab trim sur « Cut-out »

05.40.35 : après accord du Captain, le pilote place les interrupteurs de stab trim sur « Cut out ».

On voit sur la photo le jaune des deux interrupteurs « Cut-out », sous les manettes des gaz

Il est fondamental d’avoir la certitude qu’effectivement, les deux interrupteurs de trim aient été placés sur Cut-out. Cette action apparaît certainement sur les données informatiques du FDR et il est regrettable, vu son importance, que le BEA n’en fasse pas état dans les graphiques de données du vol en pages 26 et 27 du rapport, où sur les données du vol secondes par secondes.

On note qu’en mettant les deux interrupteurs sur Cut-out, les pilotes ont appliqué la procédure définie par Boeing le 6 novembre 2018, après le crash du premier Boeing 737 Max de Lions Air.

Selon cette note, (Apendix 4 – page 32 du rapport), ce « Cut-Out » devait désactiver les tentatives de piqué du MACS.

De plus, cette note du 6 novembre mentionne l’existence d’une indication « AOA desagree », si l’option est installée. Il s’agit d’un indicateur de l’incidence de l’avion, qui donne l’indication d’incidence (Angle entre le profil de l’aile et l’écoulement de l’air) et signale éventuellement une différence entre les deux sondes AOA droite et gauche. Cet indicateur précieux que je n’ai de cesse de recommander depuis des décennies sur les Airbus comme sur les Boeing était chez Boeing une option payante, comme s’il s’agissait d’un enjoliveur de l’avion, alors qu’elle est un outil essentiel pour la sécurité du vol sur tous les avions du monde.

Une troisième intervention du MACS

05.40.41 : 5 secondes après la fin de l’ANU, une troisième intervention du MACS se produit, qui entraine selon le BEA aucune variation d’attitude puisque les interrupteurs sont sur « Cut out ».

Le libellé de cette absence de variation ci-dessus implique que le BEA considère que les deux interrupteurs « Cut-out » de trim ont bien été placés sur OFF.

05.40.42 à 05.43.11 : le stabilisateur passe à nouveau sur AND, alors que les manches sont maintenus à cabrer. La vitesse s’accroit à 340kt (VMO=vitesse maximum opérationnelle).

Les manches sont maintenus à cabrer jusqu’à la fin du vol.

Une poussée de décollage conservée qui accroit la difficulté de trim manuel

Nous avons été étonnés de constater que sur le graphique de la page 27 du rapport, durant la quasi-totalité de ce vol de 5 minutes, les pilotes ont gardé constante la poussée de 94% mise au décollage et n’ont réduit que 15 secondes avant le crash.

Cela les a conduits à atteindre en 3 minutes après le décollage la vitesse VMO maximum, alors que cela ne présentait aucune nécessité ni avantage. Comme les deux interrupteurs stab trim étaient sur OFF, la roue de trim manuel devait être tournée manuellement par le F/O et au fur et à mesure que la vitesse augmentait, la manœuvre devenait de plus en plus difficile et quasiment bloquée dans les grandes vitesses.

On se demande comment les pilotes n’ont pas pensé à ce phénomène qui rendait impossible l’action du trim manuel. Il s’agit probablement d’un blocage psychologique sous l’effet du stress intense des deux pilotes.

On est donc en droit de supposer que Boeing, la FAA et l’EASA ont autorisé à voler un avion de transport de passagers avec un système de compensation en profondeur qui n’est pas utilisable dans tout le domaine de vol !

Il y a fort à parier que l’essai de récupération de l’avion, nez bas, à grande vitesse, avec le trim plein piqué n’a jamais été réalisé par le constructeur !

Posons la question : sur les modèles Boeing 737 300, 600, 800 et Max cet essai a-t-il été effectivement réalisé ?

C’est pourtant une norme de certification.

Cette réactivation du logiciel MACS alors que les interrupteurs « Cut-Out » sont sur OFF conduit à deux hypothèses possibles :

Il est impensable que cette éventuelle action de replacer les interrupteurs « Cut-Out » sur « ON » ait été faite par le F/O sans aucun échange oral entre les deux pilotes et il est peu plausible de penser que le F/O aurait pris cette décision sans en informer son Captain, eu égard à sa très faible expérience sur le Boeing 737 Max (207 heures de vol).

On s’interroge sur l’objectif qu’auraient pu avoir les pilotes, s’ils avaient décidé de replacer les interrupteurs « Cut-out » sur ON, puisqu’ils savaient que cela réactiverait le MACS ?

Une explication de cette action funeste aurait pu être que bien que la procédure Boeing indique expressément de ne pas remettre les « Trim Cut-Out » sur ON, ils auraient tenté une dernière tentative pour retrimmer l’avion et surtout relâcher les efforts à tirer les manches vers la montée, qui devaient être très importants.

Mais nous pensons très peu crédible qu’une manœuvre d’une telle importance ait pu être faite sans des échanges oraux entre les deux pilotes, qui devraient figurer u CVR et considérons donc que les pilotes sont bien restés sur « Cut-out ».

Le rapport final de cette enquête devra apporter une réponse claire à cette question fondamentale.

05.41.20 : la sonnerie de« claquettes » d’excès de vitesse est enregistrée sur le CVR jusqu’à l’impact.

05.41.30 : le Captain demande au F/O de l’aider à cabrer.

05.41.46 : le CDB demande au F/O si le trim fonctionne. Le F/O répond que le trim ne fonctionne pas et demande s’il peut essayer manuellement, ce que la Captain approuve. À 05.41.54, le F/O répond que cela ne fonctionne pas.

Il est probable que la vitesse atteinte rend impossible la manœuvre manuelle de la roue de trim

05.42.51 : Le F/O signale « Master caution Anti-ice », qui est enregistré sur le FDR.

05.42.54 : les deux pilotes annoncent « left alpha vane ».

Une quatrième intervention du MACS

05.43.20 : nouveau AND et piqué durant 5 secondes. Le nez de l’avion pique vers le bas. Le manche est tiré vers cabrer, mais le piqué continue à 40° de nez bas.

La vitesse indiquée est de 458 nœuds et dépasse 500kt à la fin de l’enregistrement.

Je me souviens des navigations de ma jeunesse à 500kt à très basse altitude sur le Super Mystère B2 et du bruit effroyable, auquel s’ajoute dans le cockpit de ce Boeing 737 Max le bruit du « Stick Shaker » et les « claquettes » de dépassement de vitesse. Terrifique et peu propice à une analyse de panne !

05.43.45. : fin de l’enregistrement.

***********************

Boeing se trouva fort dépourvu quand l’Airbus 320 NEO fut venu !

En décembre 2010, Airbus lança le projet du A320 NEO, très prometteur, essentiellement du fait d’une diminution de 15% de la consommation de fuel, à l’aide de moteurs double flux performants fournis par Safran, notre ex SNECMA, ou Pratt et Whitney. Ces nouveaux moteurs étaient plus lourds et d’un diamètre plus important que les précédents, ce qui ne posait pas de problème pour les Airbus, mais qui était un furieux obstacle pour Boeing, qui était court sur pattes, qui ne permettait pas le minimum de distance nécessaire entre la piste et la base de la nacelle du moteur.

Il fallait absolument trouver une solution, car avec les moteurs anciens, les Boeing 737 n’auraient plus été compétitifs face aux A320 NEO, qui cartonnèrent 1.250 commandes dès la première année où ils furent annoncés.

Bizarrement, il ne semble pas qu’on ait envisagé de modifier le train d’atterrissage du Boeing 737 pour lui donner des pattes plus longues et installer la marge nécessaire aux nouveaux moteurs. Bien sûr, selon nos informations auprès de brillants ingénieurs, c’était envisageable et le temps existait, puisque le premier A320 NEO ne vola qu’en 2016.

Boeing a préféré déplacer les moteurs vers l’avant, ce qui modifiait l’aérodynamique de l’avion, et qui amena les ingénieurs de Boeing à installer un logiciel qui mettait l’avion en piqué pour rattraper une éventuel cabré trop important, appelé le MCAS ((Manoeuvering Characteristics Augmentation System,)

L’avionneur américain avait estimé que le système n’avait pas besoin d’être connu des pilotes puisqu’il devait être totalement autonome, s’activant simplement en cas de besoin, pour faire prendre une action à piquer de manière normalement très progressive. En cas de déclenchement intempestif du MCAS, les pilotes étaient censés revenir à une gestion de panne connue depuis les années 60 et le Boeing 707 : empêcher le compensateur de se dérouler en le déconnectant.

Mais pour prendre la décision de déconnecter le compensateur, encore fallait-il que les pilotes soient informés de l’existence du système à déconnecter, ce qui n’était pas le cas ! Cette vision très « ingénieur » de la situation a provoqué de nombreuses protestations des pilotes se sentant trahis, et une formation complémentaire a été mise en place après le premier accident.

Problème : le MCAS n’utilise qu’une seule sonde pour s’activer

Le Boeing 737 Max dispose de deux sondes d’incidence AOA (Angle Of Attack) et le problème est qu’en cas de divergence, on n’a pas les moyens de savoir laquelle est la bonne ! Le MCAS n’est basé que sur la lecture d’une seule sonde d’incidence (« sonde AOA ») pour s’enclencher, et il possède donc un taux de panne beaucoup plus élevé que s’il utilisait les 2 capteurs AOA de l’avion (c’est le concept de la redondance aéronautique). Il en résulte une situation inédite sur le Boeing 737 MAX résumée par cette phrase :

“If an AOA vane provide an erroneous signal, the MCAS will treat the signal as valid.”.

(Si une sonde d’incidence produit un signal erroné, le MCAS traitera ce signal comme valide) ! Fâcheux !

Le MCAS s’enclenchera même si la sonde d’incidence envoie un signal erroné. » (Capture d’écran extraite de l’application Cockpit Companion.)

Dès les semaines qui ont suivi le premier accident de l’appareil, certaines compagnies utilisant l’avion, comme Southwest, ont donc décidé d’ajouter un indicateur de l’angle d’attaque pour permettre de détecter rapidement un problème et répondre à la question : laquelle des valeurs AOA est la bonne. La formation complémentaire proposée par Boeing ne semblait déjà pas être suffisante pour tout le monde… !

Problème : le MCAS est quatre fois plus rapide que prévu

Des informations que nous n’avons pu vérifier montreraient que le MCAS peut s’activer jusqu’à 4 fois plus vite que le rythme annoncé dans les documents de sécurité initiaux 8 degrés par période de 10 secondes au lieu de seulement 2° annoncé. À moins d’appliquer la procédure de gestion de panne du compensateur, les actions que doivent conduire les pilotes pour contrer le MCAS sont donc quasi continues.

Boeing certifie tout seul une partie de ses avions

Tous les avions sont systématiquement certifiés par les autorités de régulation locales, la FAA aux Etats-Unis et l’EASA pour l’Europe. Mais les performances des avions sont telles qu’il faudrait des armées d’ingénieurs aussi importantes à la FAA que chez Boeing pour pouvoir valider chaque système. Une partie de la certification est donc laissée à la charge de l’avionneur qui s’auto-contrôle. Un rapport du Government Accountability Office s’inquiétait déjà de la situation en 1993: 70 à 75% de la certification était réalisée par l’avionneur dans les années 80 et cette proportion était montée à 95% sur le Boeing 747-400 en 1989… L’autorité de sécurité aérienne ne vérifiait alors que 5% des spécificités techniques de l’appareil, qu’en est-il aujourd’hui ?

Les évolutions nécessaires sur le Boeing 737 MAX sont bien plus lourdes que celles de l’A320 NEO et notamment, les ingénieurs de Boeing ont dû passer 200.000 heures à chercher une solution aux problèmes de batterie du B787 Dreamliner, l’appareil précédemment lancé par Boeing et lui aussi cloué au sol en 2013. Des voix nombreuses s’élèvent contre les liens trop étroits entre l’avionneur et le régulateur : la certification a-t-elle été trop rapide pour permettre à l’avionneur américain de ne pas accumuler plus de retard?

Le B787 a montré qu’un appareil pouvait retrouver une fiabilité totale après des déboires de lancement. Le MAX, qui réalisait plus de 8600 vols par semaine avant son interdiction de vol, reprendra les vols et aura retrouvé la fiabilité du Boeing 737 NG qui vole et continue à voler sans défaut depuis maintenant 25 ans. Personne n’aura de doute sur la fiabilité totale de l’avion, mais la certification de l’avion fera l’objet d’enquêtes, avec des responsabilités à la fois chez l’avionneur et dans l’administration.

Une perte considérable pour Boeing, mais qui reste supportable

Boeing a mis un frein à la production de ses Boeing 737 MAX. En principe 2 avions sont produits chaque jour et il y a environ 5.000 avions en commande (500 milliards de dollars) à 121 millions de dollars unitaire.

Il est possible que Boeing perde une dizaine de milliards, ce qui n’est pas rien, mais ce n’est quand même pas catastrophique eu égard au chiffre d’affaires.

Et cela ne veut pas dire que les compagnies aériennes vont se reporter sur Airbus, dont les carnets de commandes sont complets pour environ 7 ans.

Mais attention : dans une note du 13 avril, les pilotes de South West ont demandé à leur Direction d’envisager  un changement de fournisseur, inquiets pour leur avenir. South West dispose de 730 B 737 et c’est le plus gros client de Boeing !

Une FAA sur la sellette

Une enquête qui ne fait que débuter, mais en cas de condamnation du constructeur et de la FAA (Federal Aviation Administration) qui a autorisé l’avion à voler, il va y avoir tout le défilé des dommages et intérêts des compagnies, des familles, etc.

S’il est prouvé et cela va être le cas que Boeing et la FAA ont failli, les dommages et intérêts vont être substantiels !

Les conséquences pour Boeing seront dans la crédibilité sur la sécurité des vols de certains États, sur leurs process de certification et cet effet délétère durera longtemps.

Le MCAS est une nouveauté dont les pilotes n’avaient pas connaissance : « Nous étions très préoccupés par le fait que cette information ne nous avait pas été communiquée initialement », relate à CNN un commandant de Boeing 737, expliquant avoir reçu une formation en ligne de 56 minutes pour faire la transition entre son Boeing 737 NG et le nouveau Boeing 737 Max. « Nous sentions fermement qu’il y avait eu un certain abus de confiance entre le constructeur et les pilotes », continue-t-il.

Un discours qui met à mal la promotion faite par Boeing de la nouvelle version de son appareil, promettant aux compagnies aériennes qui l’achèteraient des « millions de dollars » d’économie en formation des pilotes, tant cette version était similaire à la précédente. Une formation, minimaliste, approuvée par la direction de l’aviation civile américaine.

Les autorités US font une enquête au pénal contre le constructeur et l’agence de certification Pour Boeing il n’y a pas pire.

La FAA se défend en évoquant des restrictions de personnels, ayant donc délégué la conduite d’essais aux pilotes de Boeing.

Les ingénieurs de Boeing ont auto-certifié leur travail. Ce ne sont pas des gens de la FAA qui ont certifié les commandes de vol, c’est Boeing.

En fait, la FAA, organisme de certification, a protégé le constructeur, le plus longtemps possible.

Il est remarquable de constater que ce sont les pilotes qui ont râlé au début, puis les syndicats de pilotes, puis les compagnies, puis les pays, puis les pays n’ayant même pas de Boeing 737, mais ne voulant pas être survolés et à la fin, vraiment en dernier, cela a été l’organisme certificateur. C’est le monde à l’envers !

L’accord donné par l’EASA à Boeing : une lourde erreur

L’EASA (organisme européen de certification) avait refusé la proposition de Boeing et de la FAA de ne pas faire de supplément de formation pour les pilotes, en disant qu’il en fallait un.

Des discussions ont eu lieu avec Boeing, assorties probablement de menaces lors de la sortie d’un appareil chez Airbus et ils ont fini par céder, ce qui est une erreur !

L’existence de la FAA et l’EASA sont-elles justifiées ?

De facto, la FAA comme l’EASA ne certifient qu’environ 5% des certifications d’avions, c’est-à-dire pratiquement rien, laissant les deux constructeurs Boeing et Airbus assurer ce travail.

Cela n’empêche pas ces deux organismes de soi-disant service public de facturer grassement leur soi-disant service, pour la modique somme de 237€/heure travaillée/personne, c’est-à-dire environ 350.000€/an/personne. Ainsi, la certification de l’A380 a couté 2 milliards de dollars à Airbus ! Une bagatelle, n’est-il pas ?

En fait, c’est un ticket d’entrée pour avoir le droit de commercialiser un avion.

Le but de ces organismes n’est pas de contribuer à la sécurité des vols, dont ils ne contrôlent que 5% de la certification, mais de protéger ces organismes comme le ferait un « parrain » de la Mafia !

Pour les nouveaux entrants, comme les chinois avec leur C919, cela leur impose de ne pas s’écarter des standards techniques de Boeing ou Airbus, où de ne pas être admis dans le club !

Une bonne solution serait donc le démantèlement total de la FAA et de l’EASA et de les remplacer par des normes à satisfaire, une espèce de cahier des charges international, établi à l’aide notamment de statistiques. Il y a deux choses redoutées par les entreprises : la prison pour ses dirigeants (parlez-en à Carlos Ghosn ou Le Floch Prigent) et pour les actionnaires des amendes dissuasives (cf les 10 milliards payés par la BNP aux USA).

C’est ce qui s’appliquerait en cas de manquement et cela serait éminemment dissuasif pour les persuader de leur intérêt à s’occuper de la vie de leurs passagers !

Cette réglementation éventuellement punitive s’appliquerait également aux compagnies aériennes et à la maintenance des avions.

Quid de la remise en vol des Boeing 737 MAX ?

Pour Boeing :

Dans la Rome antique, le Capitole où se menait la politique était tout proche de la roche Tarpéienne d’où on précipitait les condamnés à mort. Le drame que vit Boeing montre qu’aujourd’hui aussi, les honneurs et la célébrité n’empêchent pas la déchéance ou la chute d’arriver.

Pour une très longue durée, Boeing s’est aliéné la confiance que les pilotes et passagers avaient dans cette entreprise magnifique, qui a construit des centaines de milliers d’avions depuis 1916 avec un objectif constant : que les pilotes qu’elle mettait à bord aient le dernier mot pour la décision de la trajectoire.

Il est inconcevable et inadmissible qu’un petit nombre de dirigeants stupides, rompant avec cette doctrine aient pu concevoir un logiciel aussi inepte, qui s’est traduit par 356 morts, en en dissimulant de plus aux pilotes son existence, de façon à ne pas augmenter le coût de leur transition vers ce nouveau modèle.

Les récentes déclarations du Pdt de Boeing sur un jeu de chaises musicales entre Directeurs pour remédier à ce désastre sont irrecevables. On prendrait les mêmes et on recommencerait ! Les cadres qui ont trempé dans cette affaire n’ont plus leur place au sein de l’entreprise et doivent prendre la porte et cela doit se savoir.

Dans un récent article filandreux autant qu’imprécis, la Direction semble vouloir traiter cette affaire avec quelques modifications du logiciel MACS, qu’elle essaye de faire adopter par quelques pilotes.

Il ne semble pas qu’ils aient pris conscience que la gent des pilotes et des usagers attend des certitudes :

On attendra donc des propositions complètes et précises pour juger de l’opportunité d’une reprise des vols, sur un Boeing 737 certes d’origine ancienne, mais qui avait démontré sa fiabilité.

Boeing se doit d’expliquer pourquoi deux avions sont allés au tapis avec des pilotes qui avaient appliquées les procédures édictées par le constructeur, en tuant 356 personnes !

La FAA :

Dans l’arrêt de vol des Boeing 787 durant des mois en 2013, elle avait montré son indépendance, mais ses atermoiements à interdire de vol les Boeing 737 MAX après le crash de Lion Air sont venus briser cette confiance et fait apparaître une collusion entre la FAA et la Direction de Boeing.

L’agence a déclaré qu’elle espérait recevoir de Boeing le dernier package d’améliorations logicielles au cours des prochaines semaines.

Tout comme pour Boeing, les autorités US ont lancé des procédures au pénal contre ces deux entreprises et il est donc certain que la FAA va prendre des précautions avant de réautoriser les vols des Boeing 737 MAX.

La FAA a mis en place un examen technique conjoint des autorités (JATR), afin de procéder à un examen complet de la certification du système de contrôle de vol automatisé de l’avion. Présidé par l’ancien président du NTSB, Christopher Hart, le JATR est composé d’une équipe de la FAA, de la NASA et des autorités de l’aviation internationales

Attendons donc de voir ce que Boeing propose pour que pareille ineptie ne se reproduise pas.

Avec l'aimable autorisation de Christian Roger
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