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Air France, Christian Magne répond

Air France – KLM croissance 2019

Airbus A380 Air France © Hugo Possamaï

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Air France Airbus A319 © Aeroworldpictures

Christian Magne, ancien administrateur Air France puis Air France – KLM, a répondu à nos questions. Il est entré chez Air France en 1974 ou il a eu de nombreuses responsabilités. C’est donc une personne qui connait Air France et le milieu de l’aérien a qui nous avons posé nos questions concernant l’avenir d’Air France – KLM.

Air France est le cadre de tension sociales depuis plusieurs mois, que pensez-vous de ces dernières et y a-t-il une solution ?

Dans cette situation de concurrence exacerbée et de handicaps spécifiquement français, il serait surprenant que le contexte social soit serein. Néanmoins, le niveau de tension à Air France est anormalement élevé.

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Qui vit la situation la plus difficile ? Le salarié qui travaille pour Ryanair ou celui d’Air France ? Les entreprises sont multinationales, mais le syndicalisme reste national. Un syndicalisme européen permettrait de corriger ces inégalités de traitement.

Par ailleurs, la défense des intérêts d’un métier, d’une corporation, ne devrait pas prendre le pas sur l’intérêt à long terme de tous les salariés d’un groupe. Ceux qui choisissent de défendre les intérêts d’un métier doivent élargir leur regard pour voir plus loin.

Un excès de défense d’intérêts corporatistes peut faire naître des textes réglementaires ou légaux qui les limitent.

S’il n’est pas possible d’accéder à toutes les revendications des salariés immédiatement, il faut en étaler la satisfaction sur plusieurs années en les conditionnant aux résultats économiques. Sinon, c’est l’avenir de l’entreprise et du groupe Air France-KLM qui est sacrifié. Car sans moyens financiers disponibles, impossible d’investir dans une flotte moderne et adaptée aux nouveaux besoins, impossible de faire croître le groupe.

Le nouveau président n’est pas encore arrivé que les polémiques s’enchainent (salaire, nationalité…), pensez-vous qu’il aura les moyens et l’appui des différentes corporations de personnel pour mener à bien un projet industriel ambitieux ?

La rémunération des dirigeants des grandes sociétés mondiales est si élevée qu’elle est perçue, par tout un chacun, comme un abus. Air France-KLM faisait un peu exception avec des dirigeants nettement moins rémunérés qu’ailleurs. Mais le concert des voix disait : « pas de gestionnaire énarque, pas de dirigeant issu des cabinets ministériels » !

Pour trouver un dirigeant issu du transport aérien et reconnu pour sa réussite dans ses fonctions, ce que la majorité souhaitait, il faut assumer de le rémunérer « au niveau du marché ». Qui déciderait de quitter son entreprise pour une rémunération plus faible ?

On comprend que cela détonne quand Air France explique qu’il doit contenir les augmentations de salaires. Mais il faut rapporter la question à son effet financier sur le groupe. L’impact de la rémunération d’un dirigeant au « prix du marché » est de l’ordre de deux millions supplémentaires. Pour les revendications salariales actuelles, des dizaines ou centaines de millions vont peser sur le budget de l’entreprise, lui laissant une marge d’investissement plus faible.

Le débat sur la nationalité de Benjamin Smith est plus que déplacé pour ne pas dire nauséabond. Il est recruté pour défendre les intérêts du groupe Air France-KLM. Imaginer autre chose est lui faire un procès sans fondement. Au contraire, on peut lui trouver, outre sa compétence, d’autres atouts : son âge, (il est de la même génération que Pieter Elbers, CEO de KLM) et sa fréquentation, en tant que canadien, de la langue française.

A-t-on jamais entendu un salarié de KLM se récrier de la nationalité étrangère des précédents dirigeants du groupe AFKLM : « des français ! ».

Benjamin Smith pourra-t-il mener à bien un projet industriel ambitieux ?

Oui, si les marges financières d’Air France-KLM (et donc d’Air France dont les profits restent à améliorer) le lui permettent. Si IAG et Lufthansa progressent quand Air France-KLM fait du surplace, c’est parce que chaque année ils gagnent un gros milliard de plus, ce qui leur permet de procéder à des acquisitions qui les renforcent (Vueling, Aer Lingus, BMI, Swiss, Austrian, Brussels Airlines…). Benjamin Smith aura d’autant plus les moyens de réussir, si l’état français desserre l’étau de taxes, redevances et cotisations anormalement élevées.

Aura-t-il l’appui des différentes corporations ? Cette question recèle en elle-même un problème : ainsi donc il faut un appui de « corporation » ? Cherchons d’autres entreprises où, pour réussir, il faut un appui de corporation !

Je préfère penser qu’il faut rechercher l’appui des salariés dans leur ensemble et au niveau du groupe, même si quelques particularités de métiers requièrent un traitement spécifique.

Air France fait face à une concurrence acharnée. Les low-cost sur le MC et des compagnies du Golfe + lowcost sur le LC. A-t-elle les moyens de se positionner face à ces dernières pour tirer son épingle du jeu ?

D’abord, il n’y a pas qu’Air France qui fait face à cette concurrence. Il en est de même pour KLM et les autres compagnies du groupe AFKLM : Hop!, Transavia, Joon…

Beaucoup d’options sont envisageables pour tenir ou, mieux encore, se développer dans ce contexte. Elles requièrent de l’agilité dans le management, une bonne clairvoyance et anticipation des « coups » des concurrents. Elles exigent également une acceptation du corps social souvent difficile à obtenir. Développer Transavia ou Joon n’est pas facile et n’a pas été rapide.

Les passagers n’ont pas tous les mêmes attentes ce qui conduit à une diversification de l’offre. Air France suscite une attente « haut de gamme » chez de nombreux passagers, ce qui est incompatible avec un positionnement « low cost » attendu par d’autres. Voilà pourquoi ces nouvelles marques du groupe sont nées. Transavia deviendra efficace à condition de ne pas trop brider son développement. Hop souffre de l’arrivée des low cost sur les lignes moyennes françaises. La question de la taille de ses avions devient un enjeu car le coût au siège d’un avion de moins de 110 places est plus élevé que celui des low cost.

L’apparition de monocouloirs économiques en long-courrier va affaiblir l’efficacité des aéroports de correspondance. Ils pourront relier deux villes secondaires directement en restant rentables. Le groupe doit en tenir compte.

Il est temps de mettre de côté les combats internes destructeurs pour laisser sa chance à la France de regagner une place enviable dans le transport aérien.

 

 

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