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Salaire des pilotes Air France

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Vestes pilotes © DR

En ces temps de revendications salariales, de grève et d’informations plus ou moins justes sur les salaires des pilotes Air France, il nous a semblé utile de faire quelques rappels et précisions.

Le salaire d’un pilote se compose d’une part fixe, fonction de l’ancienneté et d’une part variable, fonction de l’ancienneté, du type d’avion, de la fonction (CDB / Copilote) et de l’activité réalisée (les heures de vol principalement). La part fixe étant relativement faible (environ 25%), le salaire global est limité à la baisse dans le cas où l’entreprise ferait très peu voler ses pilotes. C’est ce qu’on appelle le MGA (Minimum Garanti d’Activité). C’est l’équivalent pour l’entreprise d’une autorisation permanente de recours au chômage partiel qui offre de la souplesse pour s’adapter à la variation de l’activité. La conséquence, c’est que les salaires sont également variables dans des proportions non négligeables (environ 15 % hors heures supplémentaires). Il est à noter que les PNC ont également un système de rémunération proche de celui décrit.

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Il faut être très prudent dans toute comparaison car la moindre omission dans les hypothèses de calcul peut mener à des interprétations fausses. Il peut paraître notamment ridicule de rappeler que le salaire dépend du travail fourni, mais c’est pourtant ce que font la direction d’AF et beaucoup de journalistes lorsqu’ils parlent des évolutions de salaires… Quelques exemples de mauvaises comparaisons ou de chiffres sortis de leur contexte :

Il n’y a pas si longtemps, A. De Juniac disait que les pilotes travaillaient peu et gagnaient beaucoup. Pour se justifier, il évoquait le planning des pilotes A330 qui étaient au minimum garanti et la paye des pilotes de B777 qui étaient en heures supplémentaires. Quand on sait que cette situation était la conséquence de sa propre décision de ne pas faire de stages de qualification pour rééquilibrer les effectifs, on comprend toute la mauvaise foi et les mauvaises intentions que ce PDG pouvait avoir…

Dans le conflit actuel, la direction dit que les pilotes ont vu leur salaire augmenter. C’est vrai. Mais ce qu’ils ne disent pas, c’est que c’est lié à l’augmentation de l’activité, de l’ancienneté, et aux changements d’avion ou de fonction (le GVT), accentué d’un effet « heures sup. » ! En effet, alors que A. De Juniac supprimait les lignes tous azimuts, J.M. Janaillac développe le réseau et augmente donc le travail à fournir pour une population stable, voire décroissante. Il est donc normal que les salaires des pilotes augmentent en conséquence. Cette augmentation est d’autant plus importante que la grande majorité des pilotes est maintenant en heures supplémentaires, avec la majoration correspondante… C’est notamment le cas des instructeurs qui, pour « rattraper » les erreurs du passé, sont recrutés en masse et, malgré cela, font entre 15 et 25 heures supplémentaires par mois ! Je vous laisse imaginer leur charge de travail… Quand un instructeur vole 850 heures par an (limite à 900) plus les séances de simulateur et autres actes d’instruction, il a probablement plus de problème de qualité de vie que de salaire… Mais c’est justifié car il répond au besoin de croissance de l’entreprise.

Régulièrement, certains journaux ou sites publient des chiffres de salaires. Là encore, il y a plusieurs omissions de nature à tromper. Tout d’abord, ces chiffres sont systématiquement du brut auquel il faut donc enlever les charges salariales. Parfois, ces chiffres sont déduits de la masse salariale, auquel cas on parle de brut + charges employeurs ! Quand on connait le niveau de charges dans notre pays, on comprend que la réalité est très, très éloignée de ces chiffres racoleurs. Mais surtout, je n’ai jamais vu de mise en perspective avec le nombre d’heures travaillées : ces chiffres sont-ils ceux d’un pilote au MGA, qui travaille à la norme, ou produit un nombre important d’heures supplémentaires ? Personne ne le dit.

Si l’on compare la masse salariale des pilotes AF rapportée au CA avec son équivalent chez KLM, on s’aperçoit que les pilotes AF sont un peu plus productifs que leurs voisins des Pays-Bas. Pourtant, c’est au Pays-Bas que l’activité s’est le plus développée depuis la fusion, ce qui jette aux orties certains arguments sur le poids des salaires… De la même façon, AF a moins de pilotes, rapportés au nombre d’avions, que sa consœur KLM. Enfin, avec la même masse salariale, si les pilotes AF bénéficiaient du même niveau de charges salariales et d’impôt sur le revenu que leurs collègues de KLM, ils toucheraient un net après impôt plus élevé de 18% ! (Source : étude de l’Institut Economique Molinari sur le pouvoir d’achat en Europe) Et on ne parle que de salaire rapporté à l’activité, pas d’autres éléments du contrat social comme l’âge de départ à la retraite et le niveau de pension (tous deux bien plus favorables chez KLM ou Lufthansa par exemple).

Pour paraphraser un vieux dicton : comparaison n’est pas raison. Il faut se méfier des chiffres bruts balancés sans aucune explication sur les méthodes de calcul ou les éléments pris en compte. Il est vraisemblable que les pilotes AF sont aujourd’hui payés légèrement sous le prix du marché, surtout que celui-ci se durcit (par manque de pilotes) et que beaucoup de compagnies sont obligées de revoir les salaires à la hausse pour attirer un nombre suffisant de prétendants. C’est le cas de BA, des compagnies US, ou même Ryanair.

Pour terminer, est-ce que tout ceci justifie les revendications actuelles ? A mon sens, non. Il est légitime de demander à débloquer les grilles (les éléments de base du calcul de la paye), surtout dans une entreprise qui ne sait que demander des efforts sans contreparties lorsque la situation s’améliore. Pour autant, les dirigeants du SNPL devraient comprendre l’intérêt qu’ils ont à avoir des pilotes compétitifs pour négocier de l’investissement dans le futur : plus de lignes, d’avions, et donc de travail. Ce n’est hélas pas la voie qu’ils ont choisie… De l’autre côté, la direction d’AF n’est pas crédible, voir provocatrice, dans son argumentation à parler des récentes augmentations de salaires qui sont liés à l’augmentation du nombre d’heures travaillées. En interne, certains sont très déçu par cette attitude « à la De Juniac » alors que l’équipe actuelle semblait aborder les problèmes sous un autre angle. Certains pourraient y laisser des plumes, comme Franck Terner ou le DRH pilote qui est, depuis le début du conflit, aux abonnés absents…

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