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Air France et le philosophe

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Raphaël Enthoven © Raphaël Enthoven

Raphael Enthoven n’a pas vraiment aimé son dernier vol avec Air France et le fait savoir. Professeur agrégé de philosophie, animateur radio, animateur télé, ancien élève de l’Ecole Normale Supérieur et ex petit ami de Carla Bruni, le Raphael de la chanson en fait. Il est également l’auteur d’une quinzaine d’ouvrages édité par les plus grandes maisons d’édition.

Quoi qu’il en soit son dernier vol Air France ne lui a pas laissé un souvenir très agréable, il a donc décidé de relater son aventure sur Facebook. Badbuzz pour Air France…

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Je n’aime pas plus les clients mécontents que les militants, ou les fanzouzes. Et l’idée d’appartenir provisoirement à cette horde de rageux imbus de leurs droits m’est franchement pénible. Mais là, je n’ai pas le choix.

Car, au-delà de mon pauvre cas (et du cas de ma famille) c’est la façon même dont une compagnie comme Air France traite ses voyageurs, qui est en jeu. En somme, c’est une question de principes.
Jugez plutôt.

A 13h30 le 17 juillet 2017, nous sommes arrivés à 7 (dont deux enfants et un bébé de 14 mois) à l’aéroport de Florence pour prendre le vol Air France de 15h10, qui devait atterrir à Paris une heure et demi plus tard.

Alors qu’on déposait les (nombreux) bagages au comptoir, une dame de la compagnie s’est présentée pour nous dire que nous ne pouvions pas embarquer.

La raison ? Un vent de face de 10km/h seulement – mais un peu « tournant » sur une piste elle-même trop courte. Résultat : le commandant de bord a exigé que 30 passagers fussent exclus du vol. Pourquoi pas ? La sécurité, d’abord.

Le problème – dont nous étions les victimes collatérales – c’est que Air France a choisi, sans vergogne, de privilégier les clients qui étaient en correspondance à Paris, aux dépens des autres et (parmi eux) ceux qui voyageaient avec un enfant de 14 mois… Et pour cause : rembourser une correspondance coûte plus cher que de payer trois chambres d’hôtel à 100m de l’aéroport. Les passagers élégants qui – assistant au spectacle d’une famille entière interdite d’embarquer – se sont proposés (malgré leur propre correspondance !) d’échanger leur sort avec le nôtre, ont été immédiatement interdits de le faire par la zélée représentante de la compagnie.

La suite est marrante et mérite un résumé : Air France nous a imposé (sous peine de passer la nuit à Florence) de prendre une voiture pour Pise, puis, trois heures plus tard, le vol de Pise pour Rome, puis, une heure après, le vol de Rome pour Paris (minuit). Ce que nous avons fini par accepter.

Comme le diable est dans les détails, qu’on me pardonne de m’attarder sur l’un d’eux : entre le moment où on s’est fait jeter du comptoir et celui où une voiture devait nous emmener à l’aéroport de Pise, nous avions plus d’une heure à tuer. Madame Air France s’est donc généreusement fendue de quelques « vouchers » qui nous ouvraient l’accès à une boisson fraîche au café du bas : « Vous pouvez y aller, ils sont prévenus… » Magnifique. Nous descendons, nous asseyons, et commandons bières pression en sortant un jeu de UNO – le meilleur ami des voyages avec enfants. Ce qu’on ignorait, c’est que, dans ce café de merde, il était interdit de jouer aux cartes sur les tables, il était obligatoire de manger quand on s’assoit, et les « vouchers » ne valaient que pour des boissons bues debout, au bar.

De rage, nous partons, et le serveur réclame son dû. Evidemment, nous refusons de payer.

Dieu merci, l’Italie a inventé le policier compréhensif : « eeeeeh… Signore, I understand… So, I don’t say that you MUST pay the man, but maybe, if you will, you COULD pay him… Much better, you see. » In fine, le connard du café devra se contenter de nos vouchers. Mais quelle compagnie (sinon Air France) ne se soucie pas de vérifier que ses « largesses » permettent, au moins, à une famille de s’assoir dans le café qu’elle lui désigne, après l’avoir jetée de l’avion ?

Alors que nous étions sur l’autoroute (vers Pise), madame Air France nous a rappelés.

Le vol de Pise ayant lui-même 1h30 de retard, nous ne pouvions plus attraper celui de Rome. Par conséquent, m’apprit-elle, nous étions condamnés à dormir… à Bologne, où l’avion qui décolle à 7h le lendemain nous déposerait (peut-être ?) à Paris. Ce qui est un peu énervant, c’est que la menace même de dormir en Italie (sans couches ni lait adapté supplémentaires) était la raison pour laquelle nous avions accepté, en première instance, la céleste Odyssée qui de Pise, devait nous amener à Paris en passant par Rome.

Que les choses soient claires : tout cela n’a aucune importance. Nous ne sommes pas des migrants. Nous sommes des vacanciers, des touristes chanceux.

Nous n’avons eu à souffrir que de désagréments.

La seule question que je me pose, Air France, c’est quand…

Quand avez-vous perdu la tête ?

A quelle date le comptoir vous a-t-il mangé le cœur ?

Quand êtes-vous devenus sordides et mesquins, à ce point ?

A quel moment la loi du marché vous a-t-elle convaincus de sacrifier le bien-être d’un nourrisson au coût d’un remboursement ?

Et puis, si vous me le permettez, vous n’êtes pas seulement sordides, vous êtes aussi un peu cons : quand on pratique l’abus de pouvoir, quand on maltraite des voyageurs moins onéreux que d’autres et quand on jette (littéralement) le bébé avec l’eau du bain, on choisit ses victimes avec plus de soin…

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