Interview réalisé par le Journal de l’Aviation. Carolyn McCall, CEO d’easyJet, fait le point sur l’arrivée des Airbus A320 Neo et sur les projets en cours au sein de la low-cost britannique.
Comment préparez-vous l’arrivée de l’A320neo et que va-t-il vous apporter ?
Notre premier A320neo arrive l’année prochaine. Il y a beaucoup de préparation. Nous travaillons de très près avec CFM et avec Airbus, bien sûr. Donc toutes nos équipes d’ingénieurs et de maintenance ont un gros programme d’activité. Nous attendons vraiment avec impatience cet appareil parce qu’il va apporter de grandes améliorations en termes de consommation carburant, des émissions carbone bien inférieures, une réduction importante du bruit. Donc vraiment de grands bénéfices. Et il nous permettra de devenir encore plus low-cost. Bien sûr, en 2017 nous ne réceptionnerons que quelques A320neo. Cela nous permettra de voir comment il fonctionne. Mais en 2018, nous en recevrons beaucoup.
Pourquoi un tel développement en France ?
Parce que nous pensons que c’est un marché très attractif. Nous sommes la deuxième compagnie aérienne en France, nous avons de nombreuses liaisons domestiques, beaucoup de routes internationales. Et en fait, je pense que les Français nous aiment.
Le marché français n’est-il pas difficile ?
Vous savez, chaque marché a sa propre situation, chaque marché est différent et a ses obstacles spécifiques. Je ne dirais pas que c’est la chose la plus difficile que nous fassions, ce n’est pas vrai. C’est juste différent. Nous avons notre équipe française, nous avons signé des contrats locaux, nous avons plus d’un millier d’emplois directs en France, nous connaissons bien le gouvernement, nous connaissons bien nos partenaires, nous avons un très bon réseau en France. Notre directeur France travaille depuis un moment pour nous, il connaît la France de l’intérieur, il connaît son pays et il y opère. C’est ainsi que nous surmontons certaines difficultés que nous rencontrons sur notre marché : nous avons des personnes solides, qui sont Françaises et qui connaissent bien la France. C’est important parce que la législation est différente, le code du travail est différent, il y a beaucoup de différences d’un marché à l’autre.
Quels sont les autres marchés porteurs pour easyJet ?
Nous nous développons encore plus vite aux Pays-Bas qu’en France. Nous avons toujours été forts aux Pays-Bas mais nous y plaçons beaucoup d’avions et nous en rajoutons cette année. Nous n’en avions aucun et nous en ajoutons huit ou neuf donc c’est une croissance très importante.
Quelle est votre position sur un potentiel Brexit ?
Vous savez que nous sommes une compagnie européenne donc nous réprouvons tout ce qui pourrait entraver la liberté de voler dans le ciel européen. Nous sommes très clairs là-dessus et nous le disons haut et fort : nous pensons que rester dans l’Europe est très important pour les Britanniques. C’est mieux économiquement pour eux et c’est mieux pour nous. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de solution. Nous avons un plan d’action au cas où le Royaume-Uni sortirait de l’Union européenne mais nous n’en parlons pas : nous nous concentrons sur le fait que le Royaume-Uni reste membre.
EasyJet fête ses 20 ans cette année. Comment la compagnie est-elle arrivée là où elle est aujourd’hui ?
easyJet a été l’une des compagnies les plus pionnières à être créée il y a vingt ans. Le timing était parfait grâce à la dérégulation et cette idée brillante qui consistait à laisser les choses simples, faciles, pas chères, à s’amuser. Elle n’était pas vieux jeu, ni pompeuse. C’est un genre différent de compagnie où tout est facile. Et quand vous regardez bien, nous sommes pareils aujourd’hui. Un peu plus sophistiqués certes mais nous restons très simples, nous rendons les choses faciles pour nos clients, nous essayons d’être toujours abordables, nous avons des tarifs bas.
Nos équipages sont fantastiques aussi : ils sont dynamiques, souriants, aimables, ils s’amusent avec les passagers, ils apprécient les passagers, ils veulent prendre soin d’eux. Et nous avons un réseau extraordinaire. C’est ce qui est différent d’il y a vingt ans : durant cette période, nous avons développé cette position incroyable en Europe, nous sommes n°1 ou n°2 sur chacun des aéroports principaux en Europe et c’est une situation exceptionnelle. C’est le cas en France, sur tous nos marchés et nos cinq bases : nous sommes n°2 à CDG et Orly, n°1 à Nice, Lyon et Toulouse. Nous avons une position très forte. C’est ça la différence, le grand changement chez easyJet : ce réseau et la connectivité intra-européenne. C’est toujours la même idée – rester simple, accueillant, attentif au client, avec des tarifs bas – mais nous sommes de plus en plus gros. Je pense que c’est là que réside le secret du succès d’easyJet.
Comment la voyez-vous dans 20 ans ?
Ce sera comme aujourd’hui : nous serons les leaders en Europe, nous serons absolument le modèle gagnant. Il continuera à rencontrer le même succès je pense.
Que pensez-vous d’une éventuelle nouvelle vague de consolidation en Europe ?
C’est très intéressant. Si vous regardez les Etats-Unis, il y a eu une grande vague de consolidation et maintenant il ne reste que quatre grands groupes. Tout s’est concentré. En Europe, les choses vont beaucoup plus lentement. Regardons ce que nous avons fait : easyJet a racheté go Airlines et GB Airlines. C’étaient deux acquisitions sur une période assez longue. Récemment, il y a eu IAG, qui a racheté Aer Lingus. Il y a quelques avancées comme cela. Et beaucoup de compagnies ont disparu, rappelez-vous Spanair… Donc il y a eu de la consolidation, mais très lentement. Et je pense qu’il y en aura encore. Mais cela pourrait prendre beaucoup de temps avant qu’on assiste à une vraie consolidation en Europe parce qu’il n’y a pas de Chapitre 11 : les compagnies peuvent se débattre longtemps avant d’être rachetées. Et avec les compagnies bas tarifs, cela peut durer encore plus longtemps.
easyJet pourrait y prendre part ?
Oui, car nous n’écartons aucune opportunité.