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Crash de Rostov, perte de contrôle ?

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Boeing 737 Fly Dubai © Anna Zvereva

Cet accident est en cours d’enquête par les autorités russes, assistées de Boeing et du NTSB. Je ne suis pas très chaud pour publier des observations avant d’avoir des données officielles, mais de nombreuses « fuites » émanant d’enquêteurs circulent dans la presse russe et internationale, avec aussi une déclaration du 5 avril du Ministère des transports russe, qui procurent quelques données qui semblent exactes. Je vous livre donc des informations  qui seront peut-être modifiées quand sortiront celles de l’enquête, avec la publication du contenu des enregistreurs. Selon les règles internationales d’enquête, les autorités russes doivent publier un rapport préliminaire dans les 30 jours qui suivent l’accident.


Le 19 mars 2016, le B737-800 du vol FZ981 de FlyDubaï effectuait un trajet de Dubaï vers Rostov sur le Don (1 000km au sud de Moscou, en limite de la mer d’Azov).

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Il y avait à bord 55 passagers, pour la plupart russes et 7 membres d’équipage. L’avion était de première main, sorti 5 ans auparavant de chez Boeing. FlyDubaï a été créée en 2008 et la compagnie compte une cinquantaine de B737. C’est son premier crash aérien.

Le Commandant de bord chypriote avait 6 000h de vol dont 2 600 sur B737 et le copilote espagnol avait 5 700 h de vol.

Les conditions météorologiques en vol étaient convenables et selon les données de Dubaï, la masse de l’appareil cumulée à celle des passagers, du carburant et des bagages, ainsi que le centrage ne dépassaient pas les limites autorisées. Par contre à l’arrivée, la météo était donnée comme proche de la tempête. L’avion avait du pétrole pour 8.5 heures de vol et il était en l’air depuis 6h02 au moment du crash.

Les avions qui devaient atterrir à Rostov au même moment ont connu différents scénaris. Ainsi, l’A319, en provenance de Domodedovo et l’A320, qui venait de Khodjent, au Tadjikistan, ont pu se poser. En revanche, deux autres avions ont effectué plusieurs tours dans le ciel avant de rejoindre le terrain de dégagement de Krasnodar, à 400 km au sud.

Le 5 avril, le Ministère des Transports russe a déclaré qu’à 01h41 (heure de Moscou), le vol FZ981 a entamé une première tentative d’approche  sur la piste 22 (Cap 220°). Le FDR (Flight Data Recorder) montre que l’avion était en pilotage manuel, avec un vent du 230° de 25kt avec des pointes à 35kt, pluie légère et un gradient de vent (wind shear) modéré. Lors de la finale, le CDB a décidé une remise de gaz en passant 1 100 pieds, due à changement soudain du vent en force et direction. Il est remonté à 5 000 pieds, en signalant qu’il rencontrait un gradient de vent (wind shear). C’était la première fois que l’équipage atterrissait à l’aéroport de Rostov-sur-le-Don et il n’était pas habitué aux vents impétueux propres à la région du Don.

J’ai moi-même eu une mésaventure sur un B737 en approche à Roissy par un vent de 75kt (140km/h) où je me suis posé à ma 5ème tentative, confronté à une composante de vent de travers qui passait hors limitation quand j’étais en courte finale. Bien entendu, j’étais en pilotage manuel, dans une turbulence extrême. J’ai relaté cet épisode dans mon livre « Piloter ses rêves ».

L’appareil a repris de l’altitude et a tourné autour de l’aéroport pendant près de deux heures. Les contrôleurs aériens ont proposé au Commandant de bord de se dérouter vers  Krasnodar, comme l’avaient fait d’autres avions, ce qu’il a refusé.

Puis le contrôle aérien a signalé un vent du 230° de 25kt avec des rafales à 35kt, et un plafond à 2 000 pieds avec une visibilité de 5 000m. Ces valeurs de vent à 10° de l’axe de la piste rendaient l’atterrissage possible, puisque la limite de vent de travers du B737 est de 31kt.

A signaler que la piste 22 d’atterrissage de l’aéroport de Rostov est particulière, car elle  mesure 2 500m de long au lieu des 3 600m habituels. Selon des employés de l’aéroport, il est ainsi arrivé qu’à cause du mauvais temps, des avions sortent de la piste ou dérapent sur le côté.

À 03h36, le Commandant décide de tenter une deuxième approche. Le contrôleur radar guide l’appareil vers la piste et peu de temps après, un des pilotes annonce avoir établi le contact avec la balise radio située à 12Nm de la piste.  L’avion est en pilotage manuel et à 2.2Nm de la piste, à une hauteur de 720 pieds, un des pilotes effectue une remise de gaz en appuyant sur le bouton TOGA (Take Off Go Around), situé sur les manettes des gaz, ce qui envoie les manettes de poussée vers une poussée voisine de la poussée maximale.

Le pilote aux commandes cabre l’avion qui remonte rapidement à 3 330 pieds. C’était excessif et la vitesse a dû chuter rapidement, amenant le pilote aux commandes à rendre la main en ramenant son manche au neutre et en actionnant le trim de profondeur à piquer à -5°.  L’avion s’engage alors dans un fort piqué où il est enregistré une accélération verticale de -1G, alors qu’il devait avoir une accélération verticale d’environ +1.5G durant le cabré. L’impression ressentie devait être semblable à celle qu’on éprouve dans un ascenseur qui descend trop vite. L’avion est en perte de contrôle et les actions des pilotes pour redresser ce piqué sont impuissantes à retrouver le contrôle. L’avion s’écrase  à 120m de l’entrée de piste sous un piqué de 50° avec une vitesse de 325kt.

Le crash s’est produit à 03h43, heure de Moscou. Aucun survivant.

Les deux enregistreurs de conversation (CVR) et de paramètres (FDR) ont été retrouvés assez endommagés, mais comme ils sont munis de mémoires solides, ils ont pu néanmoins être exploités deux jours après le crash. Selon des informations partielles des enquêteurs, ils feraient apparaître une querelle entre les deux pilotes au cours de la remise de gaz. Les enregistrements ne feraient pas apparaître de dysfonctionnement technique.

Les enquêteurs n’ont pas encore été en mesure de définir les paroles respectives des deux pilotes sur le CVR, car les timbres de leurs voix sont similaires sur l’enregistrement. Pour identifier les enregistrements, la police prévoit de demander l’aide de la famille du commandant et de son co-pilote.

A suivre.

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