Vous trouverez ci-dessous l’article de rue89 sur le métier d’hôtesse de l’air dans une compagnie qui fait du court, moyen et long-courrier, qui a des Airbus A380, qui envisage un plan social et de réduire les effectifs PNC à bord. Shuuut, pas dire que c’est une hôtesse Air France !
Nous souhaitons quand même préciser deux ou trois points.
1° Le salaire:
La grille de rémunération en annexe du bilan social Opération Air France pour 2010 indique un salaire minimum pour une hôtesse de l’air long courrier de 2094 euros, c’est 25% de plus que le chiffre qu’elle communique… Comme seul avantage elle indique les GP. Sans doute oublie-t-elle la niche fiscale des frais réels pour les navigants qui permet assez facilement de ne pas payer l’IR et tous un tas d’autres petits « plus » auprès des loueurs de voitures, des chaines d’hôtels, des magasins Apple, Bose….
2° Le temps de vol
Natacha nous indique voler 75 heures par mois. Cela n’est pas son temps de vol réel mais le temps de vol contractuel de son contrat de travail qui permet de déterminer une rémunération minimum et un seuil pour le calcul des heures supplémentaires. L’heure actuelle il semblerait que le temps de vol moyen des hôtesses de l’air et stewards du long-courrier soit aux alentours de 65 heures par mois (information à confirmer si qq’un a un document officiel).
Pour le reste c’est tout à fait exacte, ce métier est physiquement éprouvant, votre espérance de vie en prend un coup (10 ans en moyenne) et vous vieillissez « plus vite » que vos congénères… Mais bon, pour reprendre une phrase « célèbre », ce métier tu l’aimes ou tu le quittes….
Article rue89:
« Natacha » s’est choisi ce pseudo-clin d’oeil pour « éviter d’éventuelles pressions de son employeur », une grande compagnie aérienne qui a récemment annoncé un plan social.
« Dans le jargon de l’aéronautique, le “galley”, c’est la cuisine de l’avion. Et, nous, nous sommes les “galleyriens”. »
A 30 ans, elle est hôtesse de l’air depuis quatre ans. Si elle ne se voit pas faire autre chose, elle ne sait pas trop non plus si elle va tenir, tant le métier la détraque de la tête aux pieds.
Avant tout, les horaires. Le sujet revient régulièrement dans sa bouche. Elle se sent totalement décalée. Les vols de retour se font de nuit, impossible de changer de rythme une fois rentrée. Natacha se couche quand elle arrive à Paris, exténuée, peu importe l’heure. Sans parvenir à s’endormir avant 5 heures du matin.
La pression de l’air, ensuite. Natacha écrabouille une canette pour mieux montrer les ravages de l’altitude :
« Sur mon dernier Paris-Los Angeles, les bouteilles étaient complètement rétractées. Sur moyen-courrier, ton corps se gonfle et se rétracte quatre fois par jour. C’est pour cela que j’ai arrêté ces vols-là, la gêne aux oreilles était trop forte. »
Le plan social, en revanche, elle n’y pense pas trop pour le moment :
« Entre nous, on n’en parle pas vraiment, on attend. »
Questions/réponses
- Quel est votre contrat ?
Je travaille en CDI, à plein temps.
- Quel est votre salaire ?
Aux alentours de 1 500 euros brut, sans Tickets restaurants puisque nous mangeons à bord de l’avion. La prime d’intéressement, c’est une blague : cette année, j’ai reçu 54 euros.
Le plus, ce sont évidemment les billets d’avion. En tant qu’hôtesse de l’air, je ne paye pas la prestation du personnel navigant, mais seulement la taxe, le carburant… au final, l’équivalent d’un low-cost pour un service de qualité.
- Quels sont vos horaires ?
Je travaille 75 heures par mois. Principalement sur des vols dits long-courrier, d’une durée supérieure à cinq heures. Un voyage, c’est en général trois jours « on », auxquels succèdent deux jours « off ».
Sur quatre semaines, j’aligne cinq vols. C’est épuisant : j’ai l’impression que mes journées de repos ne suffisent qu’à reprendre le service dans de bonnes conditions.
- A quel moment vous débarrassez-vous de votre tenue de travail ?
J’ai une hypersensibilité à la laine, la matière de mon uniforme. Je mets donc un bas de pyjama sous mon pantalon ou un T-shirt sous ma robe, et je les enfile juste avant le décollage.
Au retour, je me change avant de prendre le RER : c’est plus prudent, la ligne qui conduit à l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle est à risque et, souvent, je rentre tard.
Lorsque tu es en uniforme, tu deviens une cible. Tu attires l’œil, mais aussi les questions : les wagons sont remplis de touristes qui n’hésitent pas à t’arrêter pour tout et n’importe quoi. Lorsque tu es crevée, ça devient vite désagréable.
- Quel rôle estimez-vous jouer dans votre équipe ?
Au début du vol, chacun choisit son poste : c’est un peu comme à l’école, on se retrouve comme des gamins à se chamailler devant le chef de bord pour être en cabine ou au galley. Mais en général, ça se goupille plutôt bien.
Je suis donc un tout petit maillon, mais un maillon important. La réussite du vol dépend autant de moi que du pilote. La synergie du groupe est fondamentale.
Parfois, sur l’A380, je remonte la travée et je vois ma collègue faire la même chose sur l’allée parallèle : je la sens synchroniser son pas et coordonner ses gestes aux miens et je trouve ça beau. C’est un peu comme un ballet aérien, à la fois homogène et harmonieux.
- Votre travail vous demande-t-il un effort physique ?
Oui, et ce ne sont pas des mouvements normaux du corps. Nous travaillons toujours en extension : nous passons notre temps à nous lever, à nous baisser, que ce soit pour atteindre les coffres à bagages ou les armoires hautes des galley, les cuisines à l’arrière de l’avion.
On porte les valises, on traîne les placards et les voiturettes chargées à plein avec plateaux et boissons. Certaines mesurent jusqu’à 2 mètres de longueur et il faut les pousser, tout au long de la travée, alors que l’avion n’a pas terminé son ascension.
- Votre travail vous demande-t-il un effort mental ?
Non, je n’ai pas à réfléchir. Je suis les procédures. Dans un avion, tout est orchestré, des procédures d’embarquement à celles de débarquement, de celles du service, à celles du « débarrassage » avant l’atterrissage. Les procédures nous donnent des axes forts auxquels nous raccrocher en toute situation.
Cela dit, s’il y avait un souci, il ne serait pas question de réflexion mais de réaction. Nous suivons des formations régulières, elles sont là pour créer des automatismes. L’objectif est de nous amener à agir par instinct en cas de problème, et à faire de moins en moins d’erreurs dans les tâches régulières.
- Votre travail laisse-t-il des traces sur votre corps ou dans votre tête ?
A bord, on manque d’oxygène : les passagers restent assis, ils ne le sentent pas, mais dès que tu fais un exercice physique, c’est la douleur musculaire assurée. A l’atterrissage, souvent, j’ai mal aux mollets.
Mais sur long-courrier, le pire, c’est la sècheresse. Un avion, c’est sec. Tu perds toute ton eau. Gorge, yeux, peau, tout sèche, tu sors déshydratée du vol.
On dit souvent dans le métier que le long-courrier conserve moins que le moyen-courrier. Mais le personnel fait plus vieux sur long-courrier : ça use plus, ça creuse plus, ça ride plus, ça dessèche plus. En même temps, je me dis souvent que les collègues ne font pas leur âge. Peut-être parce que l’on rit aussi beaucoup dans les avions.
Une chose encore : la radioactivité. On l’oublie souvent. On passe notamment au travers de portiques de sécurité plusieurs fois par jour : dans notre compagnie, le rayonnement n’est que de 6 millisieverts, mais pour une femme enceinte, qui ne devrait supporter qu’1 millisievert, c’est déjà trop. Si j’étais enceinte, je m’arrêterais tout de suite.
- Avez-vous l’impression de bien faire votre travail ?
Mon instructeur vérifie ma conduite sur sept standards, qui vont du port de l’uniforme à la générosité des échanges avec les passagers. Certains vols sont notés, mais ce n’est pas très contraignant. L’important, c’est que le voyage se passe bien.
De mon côté, j’ai l’impression d’en faire le minimum. Je fais tout pour que le vol se passe bien, mais sans excès de zèle. Avec les passagers, la réussite n’est jamais assurée. Il y a toujours un emmerdeur. On distingue plusieurs profils, de l’émotif ne supportant pas l’avion à l’exigeant râlant sur le moindre détail.
Je m’investis davantage envers les collègues. Il n’y a rien de pire que de se sentir isolé dans une tâche. Et je me sens très entourée. Même si nous nous nous connaissons rarement dans une équipe : dans la compagnie, nous sommes 24 000 navigants, il est extrêmement rare de se retrouver sur un vol avec une connaissance.
- Si vous deviez mettre une note à votre bien-être au travail dans votre entreprise, sur 20, quelle serait-elle ?
Disons 16/20. Pour l’instant. Car s’ils touchaient ne serait-ce qu’aux plannings, ce serait catastrophique. En général, le 25 du mois, je ne sais toujours pas ce que je fais le 1er du mois suivant.
Quant à réduire le personnel, l’idée m’effraye : sur certains vols, ils essayent déjà. Le service est allégé en compensation mais tu ne t’occupes plus vraiment des clients. Le vol se transforme en une succession de lancers de plateau. Les passagers le sentent, ils s’en plaignent. A quoi sert alors d’exercer un métier de service ?
Source: Rue89