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Accident du Tupolev et volcan

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Crash TU-154 © DR

Par Jean Belotti

RÉPONSES AUX QUESTIONS SUR L’ACCIDENT DU TUPOLEV

Question : Au sujet du Tupolev qui s’est écrasé à Smolensk, j’ai appris que l’aéroport était militaire et ne disposait pas des installations radioélectriques permettant aux avions d’atterrir par fort brouillard. Alors pourquoi les pilote a-t-il quand même tenté d’atterrir ?
Réponse : S’il en est ainsi, les “minimas” (hauteurs en dessous desquelles le pilote ne doit pas descendre) sont alors très élevés, ce qui ne permet pas d’atterrir en toute sécurité. Des tentatives d’atterrissage ne pourraient être justifiées uniquement que dans le cas où la quantité de carburant à bord serait insuffisante pour rejoindre le plus proche aérodrome accessible, afin d’éviter d’avoir à se poser dans la nature, à court de carburant. Il convient d’ajouter deux autres commentaires

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  1. Cet avion n’arrivait pas d’un long vol transatlantique avec peu de réserve de carburant et, n’ayant effectué qu’un vol de très courte durée, il devait avoir du carburant en quantité suffisante, soit pour attendre une amélioration des conditions météorologiques, soit même revenir à son point de départ.
  2. Lorsque la décision de choisir d’atterrir sur cet aéroport a été prise, la situation météo était connue. Le pilote ne pouvait pas ignorer que le sous équipement de l’aéroport n’autorisait d’envisager qu’un seul type d’approche nécessitant une visibilité horizontale sur la piste de 1000 mètres, alors que celle qui a été déclarée n’était que de 250 mètres.

Question : Etant donné le fort brouillard existant ce jour là sur l’aéroport, pourquoi l’avion a-t-il été autorisé à se présenter en approche et cela à plusieurs reprises ?
Réponse : Normalement, le contrôleur aérien communique au pilote les conditions météorologiques et les prévisions à court terme et il appartient au pilote de prendre la décision, soit d’attendre une amélioration éventuelle, soit de tenter une approche. Cela étant dit, en tenant compte du manque d’installations radioélectriques permettant des approches dites “de précision”, la question – qui ne manquera pas d’être posée par les enquêteurs – est de savoir pourquoi l’aéroport n’a pas été fermé au trafic aérien de passagers ?

Question : J’ai entendu dire que le pilote n’avait pas fait quatre tentatives d’approche, mais une seule, après avoir fait trois tours du circuit d’attente en altitude !
Réponse : Si cette information était confirmée, elle rassurerait quant à l’incompréhension résultant du comportement du pilote, essayant quatre fois de suite de se poser, sans l’aide de moyens radioélectriques appropriés à une telle situation météorologique. Il serait alors possible d’envisager que le pilote, après avoir attendu en vol, mais en vain, une amélioration de la météo, ait décidé, avant de rejoindre un autre aéroport, de tenter une approche jusqu’à descendre à la hauteur minimale autorisée, au moment duquel, la piste étant visible, un atterrissage pourrait alors être effectué. En clair : “On descend et on décide en fonction de ce que l’on voit”. On dit “Go and see”. Cela étant dit, puisque l’avion s’est “crashé” avant l’entrée de piste après avoir écrêté des arbres, cela peut, entre-autres, résulter du fait que le pilote soit descendu très en dessous des minimas ou qu’une erreur de calage altimétrique l’a conduit à lui faire croire qu’il était plus haut qu’il ne l’était en réalité. Toutes ces hypothèses seront, bien sûr, envisagées et analysées par les enquêteurs. Les quelques éléments de réflexion présentés, ne sont là que pour répondre à la question posée.

Question : J’ai lu dans une revue anglaise que le dialogue entre le pilote et le contrôleur militaire avait été difficile du fait que le pilote polonais ne parlait pas le russe et que le contrôleur russe ne parlait pas le polonais et pas, ou mal, l’anglais. N’est-ce pas une anomalie ?
Réponse : Les règles internationales régissant le transport aérien civil sont claires. Elles indiquent que la langue utilisée est celle du pays survolé ou de l’anglais. C’est ainsi que, par exemple, un pilote français desservant des aéroports français communique avec les contrôleurs de la navigation aérienne en français, mais dès qu’il survol et dessert des aéroports d’autres Etats, les communications se font en anglais. Il en résulte que dès lors qu’un aérodrome – qu’il soit civil ou militaire – accepte un trafic d’avions transportant des passagers, ses contrôleurs doivent donc être en mesure de connaître la phraséologie aéronautique standard. Ici, également l’investigation sur la nature du dialogue entre pilote/contrôleur est du ressort des enquêteurs.

Question : Dans votre chronique vous avez répondu à l’hypothèse de pression sur le pilote militaire pour qu’il se pose. N’y a t-il pas de règle en la matière ?
Réponse : Jean Claude Lartigau (qui a passé 38 ans dans l’Armée de l’air) m’a confirmé qu’en France, l’Armée de l’Air a rédigé l’IM 6000, Instruction Ministérielle fixant les conditions d’exécution des missions (amplitudes, temps de travail aux commandes, repos, etc…,). Cette IM a été complétée dans les années 60 pour protéger le pilote, en le rendant seul responsable de la décision technique de la conduite du vol, quelles que soient les injonctions des passagers, aussi importants soient-ils,tout en le protégeant de toute sanction.

Question : L’enquête sera-t-elle faite par la Pologne ou par la Russie ?
Réponse : Les normes et pratiques recommandées concernant les enquêtes sur les accidents d’aviation ont été adoptées par la Convention relative à l’aviation civile internationale (Chicago 1944), dans son annexe 13, intitulée: “Normes et pratiques recommandées – Enquêtes sur les accidents et incidents d’aviation”. En ce qui concerne l’ouverture de l’enquête technique sur les incidents graves, c’est l’État d’occurrence qui ouvre une enquête sur les circonstances de l’accident et constitue une “Commission d’enquête” qui rédigera un rapport final. Cet État est, en outre, responsable de la conduite de l’enquête. C’est lui qui, entre autres, prend les dispositions en vue de la lecture des enregistreurs de bord. L’“État d’immatriculation” et l’“État de l’exploitant” ont la faculté de désigner un représentant
accrédité qui participera à l’enquête et de nommer un ou plusieurs conseillers, pour seconder le représentant accrédité. Les “États de conception” et les “États de construction” ont également la faculté de désigner un représentant accrédité qui participera à l’enquête.
Il convient de noter que l’expression “participation” ne signifie pas “appartenance à la Commission en qualité de membre”. En effet, les “représentants accrédités” et les “conseillers” des États ne participent pas à la rédaction du rapport de ladite Commission. Indépendamment de cette enquête technique, il peut y avoir une enquête judiciaire dont les modalités diffèrent selon les pays concernés (voir ma chronique de Novembre 2000 : “Les enquêtes accidents aériens à l’étranger”).

Volcan Island © DR

ÉRUPTION VOLCANIQUE

Question : Le jeudi 15 avril, un énorme nuage de cendres craché par un volcan d’Islande en pleine éruption a cloué au sol une bonne partie des avions dans le nord de l’Europe. Cette éruption volcanique justifiait-elle cette décision de précaution consistant à l’arrêt des vols ?
Réponse : Il ne s’agit pas d’une décision se référant au “principe de précaution” lequel n’est appliqué que lorsque l’on ne connaît pas la probabilité de survenance d’un risque. Ici, les conséquences d’un tel événement sont bien connues et la décision d’interrompre les vols est donc tout à fait justifiée. En effet, ces nuages sont particulièrement dangereux pour l’aviation, surtout dans les premières heures, car les cendres qu’ils contiennent peuvent entraîner l’arrêt de réacteurs et l’abrasion des glaces de cockpit, des ailettes de compresseur, des bords d’attaque des ailes, etc… À proximité du volcan en activité, les nuages volcaniques ont une forme verticale dont le sommet peut atteindre 20.000 mètres. Ils sont alors facilement repérables par les équipages, non seulement du fait de leur hauteur, mais également de leur couleur bleue-marron, lorsqu’ils contiennent des cendres, bleue lorsqu’ils sont secs et acides. Ces nuages ne restent pas au dessus des volcans. Ils se déplacent et peuvent parcourir jusqu’à 2.000 km en 24 heures et faire plusieurs fois le tour de la terre. Ils prennent alors une forme aplatie et évoluent généralement sous la tropopause en se confondant avec d’autres nuages. Ils ne sont alors plus repérables, mais ils restent détectables à l’odeur d’oeuf pourri qui régnerait en, cabine et par des picotements de gorge. Bien que beaucoup moins nocifs qu’au moment de leur formation, le pilote changera rapidement d’altitude et tout redeviendra normal. Ce phénomène est assez rare. Les derniers incidents graves connus remontent à 1983, avec l’atterrissage d’urgence de deux avions à Djakarta. (Suite, visible sur le site www.tourmag.com le 22 avril 2010)

Question : N’y a-t’il pas eu d’autres éruptions volcaniques avant celle du volcan Islandais ?
Réponse : À des fréquences non prévisibles, il y a effectivement eu d’autres éruptions volcaniques. Mais, depuis que des avions volent, c’est la première fois que de tels nuages recouvrent des zones de fort trafic aérien. C’est ainsi que, face à la survenance de cette
importante éruption, et en connaissance des risques encourus, la nécessité de réagir rapidement a été admise par tous les pays concernés, notons-le.

Question : Est-ce que les gestionnaires de l’espace aérien n’ont pas traité ces particules volcaniques en suspension dans des nuages, comme l’ont fait les instances médicales dans la récente pandémie de grippe ?
Réponse : Dans l’attente des vaccins, le degré de gravité d’une pandémie est mesuré par le nombre de décès enregistrés, critère à partir duquel seront définies les mesures préventives. Or, le degré de gravité d’une éruption volcanique ne peut pas être mesuré en comptant le nombre de “crashs”, à partir duquel des dispositions seront prises ! Il convient donc, dans ce cas, de prendre des dispositions de sécurité, en fonction des différentes situations envisageables.

Question : De quelles situations s’agit-il ?
Réponse : En fait, on peut localiser deux zones :

Étant donné que ces situations dépendent de la densité en molécules de poussières volcaniques contenues dans les masses d’air traversées, il est évident – et c’est ce qui a été fait, une fois la masse de nuages volcaniques suffisamment localisée – que les dispositions indispensables à la différenciation de ces situations nécessitait de faire des tests en effectuant des prélèvements d’échantillons d’air et en auscultant les appareils après leur atterrissage.

Question : En tenant compte des perturbations pour les passagers, résultant de l’arrêt des vols et des énormes pertes qui en résultent pour les compagnies – mais également toutes les autres sociétés intervenant dans la logique du transport aérien – la question souvent posée est de savoir si “on n’en a pas trop fait” ?
Réponse : À la suite d’un tel événement, celui d‘un nuage volcanique s’étalant dans des zones de flux de trafic aérien très dense il est facile – tout étant redevenu normal – d’affirmer qu’on en a trop fait, ou pas assez fait ; qu’on a réagi trop vite, ou pas assez vite ! Cela étant, force est de constater que la quasi-unanimité des pays concernés, a montré une cohérence dans les dispositions de prudence qui ont été prises. En effet, on imagine quelle serait la réaction des familles des victimes, voire de tous les citoyens, si aucune disposition n’ayant été prise, un avion de ligne s’était “crashé”, ses moteurs n’ayant pu être remis en fonctionnement ? Où – moins grave, certes, mais quand même significatif – si un avion s’était posé, en “emergency”, le parebrise recouvert de cendres et un moteur en panne ?
Question : Dès lors que les premiers tests avaient été concluants, pourquoi ne pas avoir autorisé les vols depuis tous les aéroports ?

Réponse : Simplement parce que les trajectoires des routes desservies à partir de tous les aéroports ne passent pas toutes à côté de la masse nuageuse contaminée. De plus, il est essentiel de retenir que les résultats des tests effectués dans certaines zones, ne sont valables qu’à un endroit donné et à un moment donné. Si l’on admet que la situation ne peut que s’améliorer avec le temps, puisque les particules – celles qui ne sont pas encore tombées au sol – s’étalent dans un espace de plus en plus grand, la densité citée ne peut donc que diminuer. Bien sûr, cette conclusion n’est valable que si l’éruption cesse !

Question : La création de corridors n’est-elle pas une bonne solution pour faire repartir les vols ?
Réponse : Deux cas possibles :

  1. Le volcan se calme et la masse nuageuse s’étalant sur une zone de plus en plus étendue, la densité en molécules diminue. Résultat : Il est alors possible d’effectuer des vols en toute sécurité sur les routes aériennes habituelles, ce qui rend les corridors inutiles ;
  2. L’éruption reprend de plus belle et les nouvelles éjections de gaz viennent renforcer les premières. Le déplacement des masses nuageuses dépendra alors de l’évolution de la situation météorologique mondiale (marais barométrique, zones anticycloniques et dépressionnaires, etc…) laquelle conditionnera la force et la direction du vent. Résultat : De nouveaux tests seront à faire régulièrement, afin de vérifier si les corridors initialement définis sont toujours sûrs ou s’il convient d’en créer d’autres. En bref, un corridor peut être sûr un jour et ne plus l’être le lendemain.

Le fait que personne ne soit en mesure de prédire quel sera le comportement du volcan – aussi bien à court terme qu’à moyen terme – explique que dans plusieurs pays, les vols sur certaines destinations n’ont pas encore été autorisés et que la libération totale du trafic n’a pu se faire, également, que progressivement. Cela étant dit, dès lors que la reprise des vols est confirmée, c’est que les autorités concernées – tout en restant vigilantes sur l’évolution de la situation – ont estimé que le résultat des analyses autorisait cette reprise.

Question : Alors, puisque ces masses nuageuses se déplacent à très haute altitude, n’est-il pas envisageable, de faire voler les avions en toute sécurité sur les routes habituelles, mais à des altitudes plus basses ?
Réponse : Le décollage, puis l’atterrissage sur le terrain de destination ayant été étant autorisés, il est effectivement possible de faire le vol à des altitudes plus basses que celles habituellement retenues. Or, il convient de savoir que plus un avion vole haut, moins il consomme de carburant. Entre autres conséquences, il en résulte que, par exemple, sur une traversée océanique, le fait de voler 2.000 pieds plus bas, conduit, pour un quadriréacteur, à une augmentation de la consommation de carburant d’environ 2 tonnes. Donc nécessité d’augmenter la quantité de carburant à bord et, pour ne pas dépasser la masse maximum autorisée au décollage, de réduire la charge marchande embarquée.

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